Lundi 23 février 2009 par Ralph Gambihler

Tristes Oscars, triste Slumdog...

Tristes tropiques, triste Slumdog... A l'heure où le cinéma américain n'a jamais été aussi adulte, au moment où, au diapason d'une nouvelle présidence, des films comme "Benjamin Button", "Les Noces rebelles", "The Wrestler" ou encore "Gran Torino"  nous montrent une Amérique pétrie d'humanité et de lucidité sur elle-même, voilà que les Oscars ont préféré consacrer une opérette coloniale, un clip schlinguant l'esbrouffe, une bluette assommante, moralisante et infantilisante mise en boîte par un bon soldat du Commonwealth britannique, Danny Boyle, qu'on connut en son temps plus incisif envers les turpitudes d'Albion.

On a déjà dit ce qu' on pouvait en penser, mais finalement, "Slumdog millionnaire", ce sont les Indiens qui en parlent le mieux. Une dépêche AFP nous apprend que le film a suscité une véritable exaspération à New Dehli ainsi que dans les campagnes, où la version hindoue de "Slumdog..." a fait un flop.  Un réalisateur évoque "l'un des plus gros fantasmes gratuits imaginés sur l'Inde au 21e siècle " dans une tribune titrée " Orientalisme pour un marché mondialisé ". " Pour la majorité des spectateurs occidentaux écrasés sous le poids de la crise économique mondiale, poursuit-il, ce conte de fée sur la face la plus sordide de l'Inde devrait certainement servir de catharsis orgiaque"...

La superstar de Bollywood, Amitabh Bachchan, a également dénoncé un film révélant la " face sombre " de cette " Inde qui brille ": misère, violence, mafia, drogue ou corruption, tandis que dans une émission de télévision un animateur s'est demandé si " vendre la misère en Inde " n'était finalement pas le meilleur moyen de percer en Occident... La France n'a pas été épargnée, malheureusement,  par cet assaut d' inauthenticité et de guimauve " améliepoulinesque "... Le film vient de dépasser le million d'entrées... Nul doute que l'exercice de bonne conscience pratiqué par les Oscars va augmenter encore d'avantage le jackpot, alors même que les limousines, smokings, robes de soirée et autres bijoux hors-de-prix qu'on a vu la nuit dernière à Hollywood ne sont qu'une injure de plus pour les orphelins de Bombay que le film prétend magnifier... Tristes tropiques, vraiment... Tristes Oscars... Triste Slumdog...

Slumdog Millionnaire reçoit l'Oscar du meilleur film.