Jeudi 15 janvier 2009 par Ralph Gambihler

Les Noces Rebelles

On a l' impression d'avoir d'ores et déjà affaire à un classique du cinéma américain... Cela tient peut-être, justement, au clacissisme de la mise en scène. La débauche avant-gardiste, ce n'est pas le genre de Sam Mendes, et le pathos encore moins! Son écriture, au contraire, rime avec épure. Elle est toute en retenue, elle ne s'autorise aucune tache d'encre, alors que ce qui est raconté est d'une cruauté inouïe.

C'est tout le merveilleux paradoxe de ces  Noces Rebelles : une BO couleur sépia, avec au générique Nat King Cole, Glenn Miller, ou encore les Ink Spots, sauf qu'on descend en enfer. D'un côté, la douceur, l'élégance, le glamour évidemment, ne serait-ce qu'à travers les retrouvailles du couple Leonardo Di Caprio/Kate Winslet, 11 ans après Titanic, et de l'autre côté un sujet qui met le feu à toutes nos amertumes.

Ce sujet, c'est la désagrégation d'un couple dans les années 50. Le livre qui a inspiré le film, Revolutionary Road, est publié en 1961 par Richard Yates. C'est un portrait au vitriol de tout ce que l'Amérique d' Eisenhower peut véhiculer en terme d' étouffoirs, de conformismes et de nids à microbes pour ennui conjugal, surtout dans ces banlieues résidentielles aisées que Sam Mendes avait déjà brocardées dans American Beauty. Frank et April, les deux mariés du film, en ont pourtant conscience, de cette médiocrité qui les entoure. Ils ressentent dans leurs tripes ce besoin de larguer les amarres, de rompre avec ses habitudes, de tenter l'aventure au risque de la mésaventure... Ils veulent fuir l'Amérique, en fait, pour aller à Paris. Elle, April, s'imagine secrétaire d'un organisme gouvernemental -c'est super bien payé paraît-il- tandis que lui, Frank, tranquillement, il pourrait enfin réfléchir, au pied de la Tour Eiffel, à ce qu'il veut vraiment faire dans la vie, plutôt que de ronronner dans la boîte où son père était déjà employé.

Mais ce rêve de France, dans le film, ne restera qu'à l'état d'horizon. C'est trop difficile, les rêves à deux... Il n'y aura donc pas d'April in Paris pour Kate Winslet. Faudra se contenter du Moonlight in Vermont pianoté par Nat King Cole... Faudra faire avec les gosses, dont on saisit très bien -deux ou trois plans suffisent- à quel pojnt ils sont sources d'aliénation dans cette Amérique d'avant la pilule. On ne sait même plus s'ils se sont tant aimés que ça, Frank et April... Ce que voit le spectateur, c'est l'hémorragie sentimentale,  jusqu'à l'écoeurement de l'autre, à force d'avoir renoncé à soi-même...

Evidemment que ça ne laisse pas indemne, un tel film, surtout lorsqu'on prend comme têtes de gondoles les deux stars du Titanic. On les avait quittés en larmes, on les retrouve à sec. C'est peut-être Leonardo Di Caprio qui nous épate le plus, parce que son rôle est ingrat, et qu'il traîne encore, d'une certaine manière, cette flamboyance juvénile un peu empâtée désormais dont il était porteur dans Titanic... Kate Winslet, elle, peut déjà rêver à l'Oscar... Elle est curieusement encore plus radieuse dans le registre de la décomposition. Plus c'est sombre, plus elle rayonne. On pourrait d'ailleurs dire la même chose du film...

Les Noces Rebelles, de Sam Mendes (Sortie en salles le 21 janvier), coup de projecteur sur TSF le 20 janvier à 8h30, 11h30 et 16h30 avec Serge Kaganski, chef de la rubrique " Cinéma " aux Inrockuptibles.