Lingui, les liens sacrés
Une large palette chromatique, une mise en espace privilégiant la beauté plastique, notamment dans ses cadrages, et un propos toujours placé sous le signe de la nécessité... Autant d'éléments qui nourrissent l'univers du cinéaste tchadien Mahamat-Saleh Haroun. Un Homme qui crie, prix du jury à Cannes en 2010, en avait sublimé la singularité. Grisgris, trois ans plus tard, en situait les limites, donnant davantage à voir, entre joliesse et schématisme, un sérieux défaut d'aspérités.
Lingui, les liens sacrés ne redresse pas la barre. Une mère et sa fille à N'Djamena. La première élève seule la seconde qui lui apprend qu'elle est enceinte. Exclusion du lycée, peur du qu'en-dira-t-on lorsque l'imam du coin apprendra la nouvelle, course effrénée pour tenter de faire avorter la jeune fille dans un pays où cette pratique est à la fois illégale et taxée de blasphème... Le propos de Mahamat-Saleh Haroun ne souffre d'aucun zigzag, y compris quand une problématique voisine -l'excision- vient renforcer sa croisade contre les dominations infligées aux femmes.
Qu'un cinéaste africain évoque ces questions et ces aliénations sans pour autant sombrer dans une imagerie lugubre ne peut que susciter l'estime, tout comme l'attention que porte Mahamat-Saleh Haroun au labeur quotidien de son héroïne qui extrait les fils métalliques de vieux pneus pour en faire des paniers qu'elle vend au marché. On s'en tiendra là, tant le caractère ultra-simpliste du scénario (malgré la surprise que nous ménage le personnage du vieux voisin faussement compatissant...) et les faiblesses d'ensemble dans l'interprétation désarçonnent le spectateur.
La concision lyrique de la mise en scène et la géographie qu'elle déploie dans la topographie si contrastée de la capitale tchadienne, entre ruelles et voies rapides, parvient pourtant à capter l'attention. On aurait apprécié, cependant, que Mahamat-Saleh Haroun soit moins soumis à ses convictions, ou du moins qu'il les transcende de manière plus subtile et plus inattendue.
Lingui, les liens sacrés, Mahamat-Saleh Haroun, sélection officielle au festival de Cannes 2021, sortie en salles ce 8 décembre.