Mercredi 14 août 2019 par Ralph Gambihler

Once Upon a Time... in Hollywood

Il se vautre, à nouveau, dans la mascarade. Dix ans après Inglorious Basterds, Quentin Tarantino fait joujou avec la mort tragique de Sharon Tate, la seconde épouse de Roman Polanski, suppliciée par la secte hippie de Charles Manson le 9 août 1969, à Los Angeles, alors qu'elle était enceinte de huit mois. Comment tourner -voire contourner- un tel trauma, "vernis rouge-sang sur l'Amérique des sixties", pour reprendre la formule d'un connaisseur, Jean-Baptiste Thoret ? La réponse de Tarantino, sans même spoiler le récit, le ramène à une puérilité qu'on croyait révolue, surtout depuis le diptyque Django Unchained/Les 8 Salopards, nettoyage à sec des grands idéaux américains.

Le scénario balourd de Once Upon a Time... in Hollywood enclenche une autre approche. Plutôt que de faire vibrer une dernière fois Sharon Tate, Tarantino lui invente un encombrant voisin, Rick Dalton (Leonardo DiCaprio), comédien raté de série B flanqué d'une doublure (Brad Pitt) et végétant dans une sous-culture que Tarantino vénérait autrefois de manière tellement plus punchy. Les temps sont durs. DiCaprio doit s'exiler en Italie pour tourner d'ineptes westerns spaghettis avec une enfant-star qui lui fait la leçon. Reconstitution léchée, surtout la partie américaine, mais alors quel ennui ! Quel sentiment de vide ! Les fans du film appelleront ça mélancolie.

Deux séquences laissaient espérer le grand film que Tarantino n'a pas eu l'audace de construire: Brad Pitt dans le ranch des Manson avec à la clé une ambiance au couteau, moite et inquiète, et puis Sharon Tate soudainement arrachée à son statut de fantasme indolore quand elle se miroite, dans une salle de cinéma, au travers d'un rôle mineur qu'elle tient dans un film avec Dean Martin. Paradoxalement, le réel advient dans une salle obscure. Tout de suite après, hélas, le réalisateur de Jackie Bown renonce à nouveau à son portrait de femme.

L'improbable, le potache et le visqueux, dés lors, ne vont plus se lâcher la main. Aux pellicules de nitrate prenant feu et carbonisant Hitler dans Inglorious Basterds fait écho le lance-flamme de Di Caprio dans la séquence finale. Mise en scène pyromane, mépris de la dimension tragique de l'Histoire, absence quasi-complète de regard sur l'un des destins les plus poignants de l'histoire du septième art, sketch insipide au milieu du générique de fin... Malheureuse Sharon Tate, mise à mort en août 69, profanée 50 ans plus tard.

Once Upon a Time... In Hollywood, Quentin Tarantino, festival de Cannes 2019 (Sortie en salles ce 14 août)