Vendredi 11 janvier 2013 par Ralph Gambihler

Django Unchained

Ce Django là est Noir, mais il prend des chorus aussi redoutables qu'un Manouche. Chacun ses références, certes... Ennio Morricone, James Brown, John Legend... On a connu des B.O. moins hérétiques, surtout pour une intrigue qui se déroule deux ans avant la guerre de Sécession. Il n'empêche que c'est une soundtrack qui déménage que Quentin Tarantino a une nouvelle fois convoqué dans ce qui est certainement son film le plus jouissif sur le plan cinématographique.

Cette jouissance est de l'ordre de la rage et de la poudrière.  Du sang et du feu plutôt que du sang et des larmes... Un esclave noir (Jamie Fox) fait équipe avec un chasseur de prime allemand (Christoph Waltz) pour récupérer sa dulcinée prisonnière d'une plantation sudiste, avec au final un feu d'artifice apocalyptique "qui vous prend par le colback et ne vous lâche plus", comme l'a si bien résumé Peter Bogdanovitch, réalisateur-culte du "Nouvel Hollywood". A vrai dire, c'est la première fois, depuis "Kill Bill", que l'agencement tient autant du miracle entre l'univers en roue libre de Quentin Tarantino et le cadre scénaristique dans lequel se déploie cet univers. Ce n'était pas le cas dans la France occupée d' Inglorious Basterds où le cinéaste n'avait rien de trouvé de mieux que d'imaginer l'assassinat d'Hitler. Lourdingue, saugrenu, gadget et infantilisant, le résultat avait de quoi questionner, à l'époque, la vision du monde à laquelle une inventivité aussi vaine était connectée...

Il en va tout autrement, il faut l'admettre, lorsque Tarantino revisite l'histoire de son propre pays sous le prisme afro-américain. Qu'il use et abuse des paramètres du western-spaghetti ne choque pas dans la mesure où cela lui permet, justement, d'adopter le ton décalé d'un Sergio Leone pour s'écarter de toute vision sulpicienne. Travesti en valet,  en chasseur de primes puis  en négrier noir (!!) avant d'opter triomphalement pour le costume scintillant du propriétaire sudiste joué par Leonardo Di Caprio (étonnant dans le genre raffiné et sadique...), Django se salit les mains et passe pour un traître aux yeux de sa communauté. Il en va de même avec le servile serviteur campé par Samuel L. Jackson, sauf que lui est vraiment sincère dans l'abjection...

Court-circuitant ainsi tout moralisme racial, le réalisateur peut s'en donner à coeur joie pour ridiculiser les Blancs, jusqu'à cette séquence-culte à la Monty Python où un raid du Ku Klux Klan tourne à la farce pour une histoire de trous mal ajustés aux yeux... Arrivé au bout de ce film-fleuve (2h40), on s'en remémore les méandres avec délice tout en constatant une harmonie inédite dans le cinéma de Tarantino. Le caractère linéaire du récit, la richesse des dialogues qui épousent l'action au lieu de la divertir, l'ampleur de la mise en scène avec ses plans larges dans lesquels compte chaque menu détail, tout cela fait de "Django Unchained" le film le moins désaccordé de son auteur. C'est l'autre Django qui va être content...

Django Unchained, de Quentin Tarantino (Sortie en salles le 16 janvier) Coup de projecteur, le même jour (12h30 en grand format) avec Emmanuel Burdeau pour l'ouvrage collectif "Quentin Tarantino: le cinéma déchainé" (Editions Capricci)