Des hommes sans loi
Misfits en fureur dans l'Amérique de la Prohibition. Derrière la caméra, l'Australien John Hillcoat. Un peu à l'Ouest lorsque lui a pris l'envie d'adapter "La Route", le chef d'oeuvre de Cormac McCarthy, le voici au contraire boosté, ici, par son compatriote Nick Cave auquel on doit à la fois le scénario, les dialogues et la B.O. magnifiquement bluesy de ces "Hommes sans loi" qui feraient presque écho, à leur manière, aux fameuses Murder Ballads livrées haut la main par le crooner gothique au milieu des années 90.
Histoire de famille, histoire d'Amérique... En plein coeur de la Virginie du début des années trente, la fratrie des Bondurant distille son whisky de contrebande façon Old School. Pas flamboyants pour un sou, ces bootleggers de la cambrousse vivent dans leur petit monde jusqu'au moment où le plus jeune, le moins teigneux et surtout le plus ambitieux des trois frangins s'attache à transformer la petite affaire familiale en trafic d'envergure au diapason des temps modernes. Résultat: l'épopée prend une couleur rouge-sang, les boss autrement mieux sapés de Chicago s'en mêlent tandis que le représentant de la loi censé réguler le boxon ambiant s'avère être le pire des psychopathes.
Sèche et syncopée, la violence qui flashe crescendo tout au long du film n'a rien de commun avec les ralentis complaisants version Peckinpah. Elle est loin, surtout, de résumer l'atmosphère d'un récit qui prend le temps d'aimer ses personnages, y compris féminins, tout en puisant sans faillir dans les bons vieux codes du western et du film de gangsters.
Mention spéciale, en l'occurrence, au minéral Tom Hardy et à la lumineuse Jessica Chatain (qui irradiait déjà dans "Tree of Life")... On n'est pas près d'oublier la séquence où ces deux désaxés lardés de blessures finissent par se trouver physiquement parlant. On sera tout aussi emporté par la beauté d'une photographie d'époque, au grain sépia, ainsi que par la métaphore presque fordienne de l'immortalité qui traverse l'ensemble du film, oscillant entre légende et réalité, à la démesure d'une Nation acharnée à écrire l'Histoire de sa main et de son sang.
"Des Hommes sans loi", de John Hillcoat (Sortie en salles le 12 septembre)