L'armée du crime
C'est l'anti-Tarantino par excellence. On ne plaisante pas avec la nuit nazie dans "L'armée du crime ". Avec la pudeur, l'humilité et la conscience de soi et du monde qui ont toujours irrigué son écriture, Robert Guédiguian a voulu rendre hommage à Missak Manouchian et à ses camarades résistants dont Aragon avait magnifié le martyr dans la célèbre "Affiche Rouge ".
Juifs, communistes, Arméniens... L'Occupant voulait discréditer ces hommes d'honneur en les transformant en "armée du crime". Raté... Robert Guédiguian n'a pas besoin d'en faire des tonnes pour porter cette aventure au rang d'épopée. Avec tact, il met en scène le quotidien de ces jeunes résistants, la démarche qui les a conduits à incarner une certaine idée de la France, quoiqu'en disaient à l'époque leurs papiers, leur étoile jaune (qu'ils refusaient de porter) ou les consonances de leurs patronymes.
On croise aussi quelques noms célèbres dans "L'armée du crime", et notamment un certain Henri Krasucki au moment où il n'avait pas encore 20 ans. Le visage de Virginie Ledoyen, qui joue Mélinée, la femme de Missak Manouchian, est particulièrement emblématique de tout ce que le film a d'intense. On aurait aimé, dans le même temps, que les personnages soient peut-être un peu moins lisses, un peu moins "beaux"...
C'est le curieux paradoxe de cette "armée du crime": Guédiguian nous martèle que ces gens-là n'étaient pas des héros, et en même temps, dans ces choix de casting, il en fait d'entrée de jeu des icônes. Il y a là comme une facilité qui peut dériver dans l'académisme avec dans la foulée un certain coup de mou du côté de la mise en scène, et c'est un peu dommage par rapport à la force du sujet.
L'Armée du crime, de Robert Guédiguian (sortie en salles le 16 septembre) Coup de projecteur avec l'auteur, sur TSF JAZZ, le vendredi 11, à 8h30, 11h30 et 16h30