De rouille et d'os
De rouille et d'os ? Non. De rouille et de toc. Ou plutôt, de rouille et de tics. Ceux, notamment, d'une mise en scène qui nous avait transcendés du temps de "Un Prophète" parce qu'elle soutenait un scénario qui en soi déjà était une tuerie. C'est l'adéquation entre le sujet et son traitement qui, à l'époque, crevait l'écran au même titre que l'acteur principal.
On retrouve, dans "De rouille et d'os", les procédés qui ont fait la réputation de Jacques Audiard. Caméra à l'épaule, plans serrés, ralentis, accélérés... Sauf que cette fois-ci, la nervosité de la mise en scène s'ébroue dans le vent. Comme si le réalisateur ne savait pas vraiment comment traiter sa romance au parfum de rédemption entre une dresseuse d'orques amputée des deux jambes et un mauvais père à la fois boxeur et vigile.
Une fois qu'on a compris qu'elle est handicapée du corps et que lui est handicapé de l'âme, que se passe-t-il ? Pas grand chose de consistant, à vrai dire, d'où les longueurs, surtout dans la partie du film centrée sur Matthias Schoenaerts, qui n'est pas si impressionnant qu'on le soupçonnait, et ce n'est pas l'additif "critique sociale" autour de la soeur caissière espionnée par des caméras de sécurité qui va renverser la donne. Cela renforce, au contraire, le caractère bancal d'un film qui donne le sentiment d'imbriquer plusieurs histoires sans trouver pour autant la cohérence nécessaire.
De ce mélo un peu roublard qui ne s'assume même pas en tant que mélo ne surnage, si on peut dire, que Marion Cotillard. On ne l'avait jamais aussi vue sur une gamme aussi large de tonalités. Nul besoin, comme le fait Audiard avec une insistance qui finit par irriter, de filmer les rayons de soleil sur son visage. Elle est déjà solaire au naturel, "La" Cotillard, même si ce n'est pas suffisant pour atténuer cette première grosse déception du festival de Cannes 2012.
"De rouille et d'os", de Jacques Audiard, sélection officielle au festival de Cannes (le film est sorti en salles ce jeudi 17 mai)