The Master
À la manière d'un David Fincher qui aura atteint le firmament de son art avec L'Étrange Histoire de Benjamin Button avant de ramollir dans la froideur et le convenu, Paul Thomas Anderson paraît promis aux mêmes impasses. Son There Will Be Blood de l'an 2008 nous consumait dans le dantesque et le biblique. The Master n'en est plus que l'emprunte aplanie d'une virtuosité qui ronronne quand autrefois elle carburait.
La différence entre les deux films tient sans doute au trait d'union entre la grande et la petite histoire. Ce que l'odyssée du prospecteur halluciné de There Will Be Blood avait de visionnaire se rattachait à une période méconnue aux Etats-Unis, entre Conquête de l'Ouest et Prohibition. The Master affiche des ambitions aussi louables, sauf que le spectateur ne saisit pas vraiment le lien entre la saga scientologique de Ron Hubbard, qui forme l'ossature du récit, et les frustrations de la génération d'après-guerre que Joaquin Phoenix, en vétéran désoeuvré et limite psychopathe, est censé incarner.
Que des mouvements alternatifs à ce qu'une certaine American Way of Life avait d'aliénant aient pu combler certains vides est un fait. Que l'Eglise de Scientologie en soit le parangon laisse un peu plus circonspect. Trop habile pour tomber dans un procès à charge simpliste, Paul Thomas Anderson cède du même coup, à une fascination parfois ambigüe pour son gourou à la fois machiavélique et charismatique.
Fascination accentuée par le numéro d'acteur auquel se livre Philippe Seymour-Hoffman. Conceptualisée à outrance, la mise en scène ne parvient pas à donner le souffle qu'il convient au jeu très animal de Joaquin Phoenix qui en devient dès lors désagréablement grimaçant. Résultat: l'intérêt suscité par les personnages s'épuise rapidement, le spectateur restant complètement à la surface de ce récit où seule une jolie chanson d'Ella Fitzgerald parvient à donner le change...
The Master, de Paul Thomas Anderson (Sortie en salles le 9 janvier)