The Bling Ring
"Nous avons appris que les filles sont des femmes déguisées, qu'elles comprennent l'amour et même la mort et que notre seule tâche est de produire le bruit de fond qui semble les fasciner"... Cette lointaine profession de foi de "Virgin Suicides" nous revient en mémoire en regardant s'agiter les pétasses décérébrées de "The Bling Ring", le nouveau film de Sofia Coppola.
Il n'est pas sûr, effectivement, que ces bimbos friquées et factices qui passent leur temps à cambrioler des maisons de célébrités de L.A. tout aussi friquées et factices aient le même impact générationnel que les soeurs Lisbon en leur temps... D'où vient alors l'émotion que le film instille peu à peu ? Sans doute de la justesse du regard que la réalisatrice porte sur ses créatures. Aucune avidité dans leur comportement. Seule compte l'identification addictive aux marques et aux individus qui en sont revêtus. Une soif de sociabilité atypique semble également motiver l'unique mec de la bande qui est par ailleurs le seul personnage que Sofia Coppola consent vraiment à vouloir creuser ( jusqu'à suggérer une homosexualité refoulée)...
Les filles, elles, sont insaisissables, roulant à tombeau ouvert la nuit sur des airs de R&B trépidant, tournant sans cesse en orbite autour de leur propre vacuité, échappant en fin de compte au portrait de groupe à force de privilégier l'autoportrait, tels ces clichés pris avec le portable retourné vers soi et qui atterrissent sur leurs pages Facebook... En vérité, c'est surtout au contact du monde adulte que les délurées de "The Bling Ring" dévoilent leur mal-être insidieux. Pas vacharde pour un sou envers ses fashion girls dopées aux escarpins Louboutin, Sofia Coppola se montre en revanche impitoyable envers cette Middle Class californienne qui, en guise d'éducation, cite le Karma à tout bout de champ avant de digérer certaines frasques adolescentes en les transformant en émission de reality show...
Moins touchante mais aussi vertigineuse que dans "Somewhere", l'errance que met en scène Sofia Coppola se déploie dans le fugace, le cristallin et l'aérien, un peu comme dans les plus beaux films de Gus Van Sant. On reconnait d'ailleurs, dans l'enchaînement nimbé et irisé de quelques plans surexposés et autres ralentis suspendus, la patte du regretté Harry Savides qui officiait déjà sur "Jerry", "Elephant" et "Restless"... De quoi adoucir encore d'avantage un univers cinématographique de plus en plus singulier et de plus en plus attachant.
"The Bling Ring", de Sofia Coppola (Sortie en salles le 12 juin)