Somewhere
Où nous emmène t-elle, Sofia Coppola ? Somewhere, c'est à dire quelque part... Un hôtel-palace, une Ferrari noire, des jumelles strip-teaseuses, une partie de ping-pong entre un père et sa fille, "I'll Try Anything Once" des Strokes, une piscine, un hélico, L.A... Ni véritable trame, ni suspense. Juste le plan noir quand la bulle de chewing-gum éclate, juste un zeste de ténèbres version Bret Easton Ellis (comme celui de "Suites impériales" , le personnage principal de "Somewhere" reçoit des SMS pas très sympas), juste des couleurs à la Edward Hopper, juste de la tendresse qui rime avec délicatesse...
Un comédien est filmé dans tous ses états, sauf dans l'exercice de son art ( à moins de considérer les insipides séances photos et tournées promo comme faisant partie de l'art d'Hamlet)... Il s'appelle Johnny Marco. Il a le bras dans le plâtre, le spleen de la vacuité, la tête ailleurs y compris dans les ébats amoureux. Seule sa fille est capable de lui dire : "Bouge de là !".
Tout l'enjeu du film, c'est de savoir s'il va vraiment bouger et sortir de son hôtel et de sa léthargie... Certains disent qu'il n'y a rien de plus intense qu'un personnage féminin filmé par un réalisateur masculin. Et vice versa, pourrait rétorquer Sofia Coppola. Elle nous installe dans la tête de son Johnny. Elle prouve à quel point une cinéaste femme peut parfaitement rivaliser avec les Rohmer et autres Bresson lorsqu'il s'agit d'ausculter une âme et un corps du sexe opposé..
Certains vont penser que le précédent film de Sofia Coppola était autrement plus foisonnant. C'est pourtant la même histoire. Marie-Antoinette trébuchait elle aussi sur les mirages de la célébrité, l'illusion du fastueux... Elle aussi, elle cherchait son "somewhere"... Certains vont trouver que le film tourne en rond, comme son personnage principal. Il faudrait leur rappeler que le cercle est une très belle figure cinématographique. Il s'oppose aux films en ligne droite.
"Somewhere", de Sofia Coppola (sortie en salles le 5 janvier) Coup de projecteur sur TsfJazz (8h30, 11h30, 16h30) le même jour avec Jacques Mandelbaum, critique de cinéma au journal "Le Monde"