L'Homme au crâne rasé
Dans le registre de la représentation « qui ne se la joue pas », les Flamands sont incontournables. Le Théâtre de la Bastille accueille ainsi régulièrement, depuis des années, le travail de Tg STAN et de la Compagnie de Koe, deux collectifs qui déploient leur art avec une simplicité lumineuse. Convivialité, mise à nu, manière particulière, également, d’investir et de bousculer un plateau de théâtre.
La recette fait souvent mouche. Encore faut-il que le texte soit à la hauteur. Adapté d’un roman de Johan Daisne, L’Homme au crâne rasé ne permet malheureusement pas à la compagnie de Koe de retrouver l’allant et la douce furie qui avaient marqué, il y a quelques années, leur mémorable adaptation du Qui a peur de Virginia Woolf d’Edward Albee.
On retrouve pourtant de l’ancien quartette deux comédiens hors-pair, Peter Van den Edde et Natali Broods. Lui en prof dépressif, elle qui fut son ancienne élève et amante… Ils se retrouvent dans un cocktail d’amertume, de non-dits et de désirs qui à force d’être trop longtemps retenus se libèrent dans les pires conditions. Une implosion plus qu’une explosion. Quelques échanges complices avec le public (« Vous n’avez pas un mouchoir ? ») ont beau désamorcer la tension, l’ambiance est vraiment au couteau. La gestuelle des comédiens et l’électricité corporelle qu’ils dégagent y sont pour beaucoup, ainsi que le désordre de plus en plus apparent, sur scène, dans l’obscurité d’un restaurant où un couple mort-né vacille entre les tables vides.
C’est l’empathie qui fait défaut. Et puis aussi un air de déjà-vu. Surtout dans la façon qu’ils ont, ces deux-là, de digresser sur des sujets culturels (La chapelle Sixtine, les préraphaëlites, l’Orient…) pour retarder le plus possible le moment où ils parleront d’eux. Woody Allen et Diane Keaton y mettaient autrement plus de talent et d’émotion dans Manhattan…
Deux ou trois clichés nous rendent encore d’avantage distants. C’est quoi, ce désir qu’il a de se raser la tête pour être au plus clair avec sa détresse personnelle? Où a-t-elle été la chercher, sa tirade sur les mecs qui transfèrent l’image de leur mère à chaque nouvelle rencontre féminine ? Et jusqu’à quand va-t-on nous la ressasser, la vieille rengaine de l’attrait exercé par le mentor et formateur auprès de sa jeune initiée ? Texte décevant, vraiment, et qui plus est balbutié par Peter Van den Eede le soir où nous sommes allés voir la pièce, sans que l’on sache vraiment si ses lapsus et corrections étaient voulus ou non.
L’Homme au crâne rasé, de la Compagnie de Koe (Au théâtre de la Bastille jusqu’au 17 juin)