Mercredi 3 décembre 2008 par Ralph Gambihler

Qui a peur de Virginia Woolf ?

De Liz Taylor et Richard Burton, il ne reste plus  qu'un tout petit écran, au fond du plateau...  Le film défile en noir et blanc préhistorique alors qu'à  l'avant-scène un quartette flamand dynamite dans tous les sens la pièce écrite au départ par Edward Albee. Avec la compagnie De Koe (qui signifie en français " vache "), Qui a peur de Virginia Woolf n'a effectivement plus rien à voir avec l'artillerie lourde du cinéma psychologisant hollywoodien...

Nos Flamands, eux, rugissent autrement. C'est dans le registre d'une douceur sardonique qu'ils déploient leur jeu, usant délibérément d'une complicité appuyée avec le public avant de rompre les amarres et de se laisser choir dans une violence et une folie autodestructrices qui saisissent pleinement l'enjeu de la pièce.

Edward Albee raconte la dérive d'un couple trop mûr face à ses mensonges... Livrés à l'alccol et à de mauvais jeux de rôles, Martha et George s'enfoncent joyeusement dans le spectacle qu'ils "offrent" à un autre couple, plus jeune et plus naïf  en apparence, venu leur rendre visite en plein milieu de la nuit... Manipulations et humiliations vont dés lors entamer une ronde infernale, jusqu'à ce que tous les personnages de la pièce, malgré leur aisance sociale, se retrouvent, au petit matin, démasqués,  mis à nu et aussi fissurés que le rêve américain dont ils se voulaient l'incarnation... Jonché de bouteilles vides et de magazines people, le plateau n'offre que peu d'espace pour les déplacements.

Ce sont  peut-être tous ces obstacles "naturels" qui donnent paradoxalement à la pièce son énergie, sa rapidité et ses fulgurances qui s'abattent comme des couperets. Quatre acteurs (Natali Broods, Karolien De Beck, Nico Sturm, Peter Van den Eede) magnifiquement drôles, décalés, et exceptionnellement accueillants face à toutes les brisures et les dérèglements de la terre, contribuent eux aussi à la réussite du spectacle.

Qui a peur de Virginia Woolf, par la compagnie De Koe, Théâtre de la Bastille à Paris, jusqu'au 5 décembre