Mercredi 20 janvier 2016 par Ralph Gambihler

Ettore Scola entre l'intime et tout le reste...

La vie n'est que farce, ironie et désenchantements. C'est pour cela que le cinéma d'Ettore Scola nous aidait à vivre. Mais l'ironie, la farce et les désenchantements, c'est aussi l'Italie, son histoire tumultueuse, ses élans du cœur, ses lendemains qui chantent et déchantent... Le réalisateur de "Nous nous sommes tant aimés", "Affreux, Sales et Méchants" et "Une Journée Particulière" en aura retracé toute la bouillonnante élégie.

Les plans couleurs sépia de "Une Journée Particulière" affluent à nouveau à la mémoire. Marcello Mastroianni en homosexuel persécuté, Sophia Loren en mère de famille délaissée, l'Italie fasciste en sourdine qui n'empêchera pas la rencontre... Ettore Scola savait filmer le peuple, mais chez ce disciple de Gramsci qui a longtemps cheminé au côté du Parti communiste italien (cette fameuse veillée funèbre avec Antonioni et Fellini devant le cercueil d'Enrico Berlinguer...), le peuple inclut aussi les artistes, les intellectuels. Est-il si étonnant qu'on lui doive, avec "La Nuit de Varennes", l'un des plus beaux films sur la Révolution Française ?

Il y eut aussi, à la fin des années 70, les désillusions de "La Terrasse", l'assortiment si prodigieux entre acteurs italiens et comédiens français avec le renfort de Jean-Louis Trintignant et Serge Reggiani. Et puis "Le Bal", bien sûr, avec ses couples sans paroles emmêlés, séparés et retrouvés  d'une danse à l'autre, du Front Populaire à nos jours, en passant par la guerre, l'arrivée du jazz, du rock...

L'écriture cinématographique d'Ettore Scola conjuguait ainsi dans le même élan une mémoire intime, sociale et politique. "Nous nous sommes tant aimés" en restera évidemment le point d'orgue avec sa mise en scène circulaire, son brassage de bonheurs et de peines, son fameux "C'est une scène qu'on a déjà joué: toi, moi et l'autre..." lancé par Stefania Sandrelli à Nino Manfredi, ou encore, comme l'avait joliment observée la personne qui m'avait fait découvrir ce film, "cette façon si insaisissable du cinéma italien de l'époque de s'abandonner à l'existence, à ses ratés et à son non-sens".

Ettore Scola (10 mai 1931-19 janvier 2016)