Jeudi 3 juillet 2014 par Ralph Gambihler

Qu'il est étrange de s'appeler Federico

L'un fut le parangon du baroque, l'autre l'ambassadeur du doux-amer. Le premier excellait dans la démesure, le second dans les pointillés. La géniale exubérance d'un côté, la poignante humanité de l'autre... 20 ans après la mort de Federico Fellini, c'est un peu à son grand frère qu'Ettore Scola rend hommage. Un hommage à la Scola. Prime à la nonchalance, petites touches impressionnistes, vagabondages entre docu et fiction avec les moyens du bord... Pas toujours à la dimension du Maestro mais constamment à hauteur d'homme.

À quelques années d'intervalle, Fellini et Scola font leurs débuts au Marc'Aurelio, une sorte de Canard Enchaîné italien qui va survivre au fascisme. Les deux cinéastes sont incarnés, à l'écran, par les petits-fils d'Ettore Scola dont l'un, effectivement, ressemble de manière étonnante au réalisateur de La Dolce Vita lorsque ce dernier avait 20 ans. Grand saut dans le temps, ensuite... Fellini déambule au volant dans les rues de Rome avec Scola à ses côtés. Ils sont filmés de dos, ne laissant deviner que leur ombre et leur silhouette. Gros plan, en revanche, sur les passagers assis à l'arrière: une prostituée, un artiste-peintre, ceux-là mêmes dont Fellini s'est inspiré à l'écran.

Plus loin, dans le récit, surgit la mère de Marcello Mastroianni. Elle reproche à Ettore Scola d'enlaidir son fils alors qu'il lui a tout de même offert, dans La Nuit de Varennes, le fameux rôle de Casanova que le Maestro lui avait refusé. Alberto Sordi, Ugo Tognazzi et Vittorio Gasman avaient eux aussi été approchés par Fellini pour jouer Casanova (les bouts d'essais de ces trois-là, c'est le summum du film...) avant que le rôle-titre n'échoit à Donald Sutherland.

Jolie pirouette à la fin. Fellini est mort, Anita Ekberg se recueille devant sa dépouille exposée à Cinecittà, mais l'autre a pris la poudre d'escampette. Il s'enfuit, poursuivi par deux gendarmes, rejoignant sa Roma éternelle où il est tellement plus à son aise. Sous la musique de Nino Rota, on consent dés lors à s'abandonner à cet hommage étrangement et poétiquement construit d'où exulte, comme le disait autrefois une ex-prêteuse de DVD transalpins, em>"cet abandon à l'existence, à ses ratés et à son non-sens" qui a toujours fait la grandeur du cinéma italien.

Qu'il est étrange de s'appeler Federico, d'Ettore Scola (Sortie en salles le 9 juillet)