Le jour d'après
Obnubilé par le départ de son employée dont il était l'amant, le patron d'une petite maison d'édition accueille sa remplaçante, Areum. Très vite, il la tutoie et la questionne sur sa vie privée. Désinvolture, empressement, trouble... Le peu d'étanchéité entre ces trois modes de relation hiérarchique transforme illico cette première journée de travail en champ de bataille. Surtout lorsque la femme du dit-patron débarque à l'improviste et qu'elle prend la jeune stagiaire pour l'ex-maîtresse.
Ceci n'est pas un vaudeville ni même le prétexte à des marivaudages sucrés de la part de celui qu'on a taxé de Rohmer sud-coréen au souvenir, notamment, du très ludique In Another Country d'il y a cinq ans. Hong Sang-soo, qui préfère peut-être Eustache au réalisateur de Ma Nuit chez Maud, opterait plutôt ici pour une radiographie des tourments. Il réussit surtout à faire jaillir l'émotion au-delà du triangle mari-épouse-maîtresse malgré son condensé de lâcheté dépressive et de confusion des coeurs.
Cette émotion, elle nait du personnage de la remplaçante, la poignante Areum, et de la beauté écorchée de son interprète, Kim Minh-Hee, muse et compagne du cinéaste. C'est elle qui brouille les médianes du triangle de base. C'est son regard sur les trois autres protagonistes du récit qui nous étreint, ainsi que son univers personnel et sa foi indéfectible dans l'âme des personnes qu'elle rencontre, à l'image de cette scène du taxi sous la neige où un sourire endolori par les humiliations subies confine à une sorte d'insoutenable légèreté de l'être.
Noir et blanc ciselé, linéarité cotonneuse du récit avec entrelacs fibreux et faux flashbacks, motifs réitérés sans jamais être tout à fait semblables entre eux... 50 nuances de Hong Sang-soo ne sont pas de trop dans ce film tout en épure et en délicatesse, avec ce vague à l'âme et ce blues du matin calme qui font tout l'attrait d'un certain cinéma asiatique.
Le Jour d'après, Hong Sang-soo, sélection officielle à Cannes, sortie en salles le 7 juin.