Le Jour des cendres
Un bon cru, dans tous les sens du terme. Le dernier Jean-Christophe Grangé nous immerge en effet dans de funestes vendanges au sein d'une communauté religieuse alsacienne à qui le célèbre auteur de thrillers n'entend surtout pas donner le bon Dieu sans confession. A priori, ils n'inspirent pourtant que le respect, ces "Émissaires" à la douceur feutrée retirés du monde et en même temps si bienveillants envers des saisonniers qu'ils ne sauraient cependant côtoyer. Pas question de se mélanger avec les "Mondains", comme ils disent...
Imaginez dès lors la stupeur de ces vendangeurs aux chapeaux de paille lorsqu'ils voient surgir sur leurs terres Niemans, le dur-à-cuir des Rivières pourpres que Grangé remet en scène pour la deuxième fois à la faveur d'une récente série télévisée. Bien moins rouillé que dans La Dernière chasse, l'enquêteur n'est pas du genre à se laisser embobiner par la version officielle lorsqu'un restaurateur de chapelle faisant partie des Émissaires est retrouvé mort dans les décombres d'un échafaudage.
Une pierre dans la bouche, une fresque cachée, des fantasmes bibliques... Grâce à sa fidèle partenaire, Ivana, infiltrée comme saisonnière, Niemans extirpe un à un de vieux secrets inscrustés dans un "monolithe de silence et de ténèbres " jusqu'à s'apercevoir à quel point, dans une communauté qui se veut dépourvue du moindre péché, on peut tuer par pure innocence.
Outre Ivana, une gendarmette aux reliefs ravageurs féminise cette enquête avec entrain, même si à son sujet l'auteur a d'abord la plume un peu lourde. Son art de la punchline prend heureusement, par la suite, une tournure plus nerveuse, surtout lorsqu'il s'agit de pourfendre le "côté obscur de la farce", si sanglante soit-elle, de certains communautarismes religieux. Camaïeu de climats pour renforcer le propos, comme si l'Alsace rigoriste n'était pas si éloignée de la communauté des Amish aux Etats-Unis. Un feu orangé consume avec panache toutes ces salades sectaires.
Le Jour des cendres, Jean-Christophe Grangé. Sortie le 6 juin aux Éditions Albin Michel.