Jeudi 11 novembre 2021 par Ralph Gambihler

Tre Piani

Sinistrose à tous les étages. Un magistrat qui répudie son délinquant de fils, une jeune mère dépressive partagée entre son mari et son beau-frère, un père accusé d'avoir abusé d'une adolescente, un autre voisin plus âgé soupçonné d'attouchements sur une petite fille... Ce n'est pas un immeuble que filme Nanni Moretti dans Tre Piani, mais une barque chargée de tous les malheurs du monde.

La noirceur, pourrait-on objecter, n'est pas un mal en soi lorsqu'une ou un metteur en scène particulièrement visionnaire parvient à la transcender à l'écran. Moretti, hélas, n'en propose qu'une traduction laide et neurasthénique. Aux antipodes du si puissant et bouleversant Mia Madre, il renoue ici avec une froideur d'écriture (dont même ses films à la façade plus déjantée étaient déjà emprunts...) qui confine à la paresse.

Adapté  d'un roman de l'Israélien Eshkol NevoTre Piani s'épuise surtout à tenter son époque. Opposant à des masculinités absentes ou dévoyées des femmes plus ou moins résilientes, le propos du réalisateur italien laisse aussi transparaître une hargne en sourdine pour le moins désuète lorsqu'il s'empare de thématiques dans l'air du temps, notamment lorsqu'il est question d'agressions sexuelles.

Quant à l'évocation soudaine et si maladroitement amenée des migrants, elle semble surtout renvoyer Nanni Moretti à un opportunisme de mauvais aloi sous une forme gnangnan et dépouillée de tout éclat. Subodorant que le récit touche bientôt à sa fin, notre indulgence parvient tout de même à être touchée par certaines scènes, mais l'ensemble reste globalement confondant de médiocrité et de ringardise. À se demander d'ailleurs, au hasard d'une coïncidence de sorties en salle, si Nanni Moretti n'est pas finalement plus vieux, désormais, que Clint Eastwood...

Tre Piani, Nanni Moretti, Festival de Cannes 2021, sortie en salles ce 10 novembre.