L'Événement
"Un film d'auteur sans autrice ", comme l'observe sévèrement Critikat ? Le jury de la Mostra de Venise, présidé par le metteur en scène sud-coréen Bong-Joon-ho, en a décidé autrement en accordant son Lion d'or à L'Événement, d'Audrey Diwan, d'après l'œuvre-éponyme d'Annie Ernaux. S'il s'agissait ainsi de primer la densité et les résonances d'un propos alors même que le droit à l'IVG reste remis en cause (notamment au Texas...) tout en actant une année phare pour les réalisatrices (l'Oscar pour Nomadland, la palme d'or pour Titane à Cannes), la récompense est méritée. Si l'enjeu, en revanche, était de mettre en avant un ton neuf et personnalisé, on sera davantage circonspect.
Format carré, caméra au plus près du visage... Audrey Diwan, de fait, reprend sans faillir le style propre aux frères Dardenne en évoquant le sort d'Anne, étudiante en lettres issue des milieux populaires dans une ville de province, ainsi que le compte à rebours qui la mine dès lors qu'un étudiant de passage l'a rendue enceinte. On est en 1963, et l'avortement est un gros mot. Qui peut aider cette jeune femme ? L'une de ses soi-disant meilleures copines qui prétendait tout savoir de la sexualité alors qu'elle est encore vierge ? Ce médecin ignoble qui abuse de sa crédulité en lui prescrivant un médicament censé provoquer les règles quand au contraire il renforce l'embryon ?
Implacable dans sa construction et cochant toutes les cases d'un naturalisme qui ne saisit Anne que dans sa dimension psycho-physiologique (on n'en saura guère plus sur sa passion pour Sartre suggérée au début du film...) la mise en scène offre un curieux cocktail de vibrations indéniables et de séquences attendues. On y retrouve guère la sidération qu'avait su créer le réalisateur roumain Cristian Mengiu dans 4 mois, 3 semaines, deux jours... La rage soigneusement contextualisée d'un Chabrol dans Une Affaire de femmes manque également à l'appel.
Reste le regard dur et incandescent d'Anamaria Vartolomeil, qui joue le rôle principal. On lui préfère, telles des lignes de fuite que L'Événement n'investit qu'avec parcimonie, les scènes avec Sandrine Bonnaire en mère bistrotière à la fois distante et attentionnée envers sa môme. Dans le même ordre d'idées, l'apparition d'Anna Mouglalis en faiseuse d'anges austère dotée d'une voix gutturale semble dénouer le film de son parti-pris esthétique initial au profit d'une intensité de vécu faisant un peu moins système.
L'Événement, Audrey Diwan, Lion d'or à Venise. Sortie en salles ce mercredi 24 novembre.