Mercredi 12 décembre 2012 par Ralph Gambihler

Walking Home

C'est toujours somptueux, le  jazz manouche qui s'échappe de l'usine à swing. Django, on s'en souvient, rêvait de format symphonique. Il y a quelques années, c'est Christian Escoudé qui fuyait lui aussi, à sa manière,  les tempos roboratifs à la "Minor Swing" pour signer, avec "Catalogne", un album très personnel malheureusement privé de l'écho qu'il méritait. Et voilà que du fin fond de la Pampa argentine surgit un guitariste inconnu qui transcende à son tour une gipsyness de l'âme renversante de beauté et d'inventivité.

Dans le "manoir de ses rêves", à vrai dire, Gonzalo Bergara n'a pas seulement écouté Django Reinhardt. Du trio blues dans lequel il officiait dés l'âge de 16 ans, il a su préserver des sonorités, des climats et surtout un art de la ballade dont le titre éponyme de l'album, "Walking Home", est la quintessence absolue. Mais ce n'est pas tout ! Le virtuose argentin passe aussi par la case Astor Piazzolla, gloire nationale s'il en est, avec à la clé trois pièces d'une magie toute vivaldienne ("Junio", "Julio" et "Agosto") dont l'auteur des "Quatre saisons de Buenos Aires" n'aurait certainement pas rougi.

L'apparition de la clarinette (Rob Hardt) sur des morceaux plus classiques comme "Munequina" et "Leopold" ancrent d'avantage l'album dans le répertoire manouche mais avec, là encore, un allant qui tranche avec ce que l'on a coutume d'entendre par ailleurs. Un nouveau cran est franchi avec "La Muerte De Un Lobo Malo". Une fois de plus, on pense à Piazzolla et on est surtout subjugué par cette rythmique d'enfer que dicte une violoniste en état de grâce. Elle est dantesque, effectivement, cette mort du grand méchant loup sous l'archet tellement sensuel de Leah Zeger, nouvelle venue dans le groupe.

On a gardé le meilleur pour la fin, à savoir les deux "Nightmare" qui résument en guise de double climax le grand mix auquel carbure Gonzalo Bergara au côté son fidèle guitariste rythmique Jeffrey Radaich et de trois autres contrebassistes, Brian Netzley, Gabe Noel et Pablo Motta. L'originalité et l'architecture des arrangements, la notion même de paysage qui transfigure ces deux titres, le thème principal du premier qui devient la coda du second, la conclusion pianistique de "Nightmare 1", la guitare électrique qui surgit des profondeurs de "Nightmare 2", et puis encore une fois cette violoniste dont on ne peut plus se passer, tout cela conflue dans une fièvre argentine qui va faire un malheur, on en est sûr, lundi prochain, sur la scène de l'Olympia.

"Walking Home", de Gonzalo Bergara (album auto-produit). Concert à l'Olympia pour la soirée annuelle de TsfJazz, "You & The night & The Music", le lundi 17 décembre, puis au Baiser Salé le mercredi 19 décembre, à suivre en direct sur TsfJazz.