Samedi 3 avril 2010 par Ralph Gambihler

Catalogne

Il y a du cinoche dans mes oreilles. Pas seulement à cause de l'une des plus belles chansons des "Demoiselles de Rochefort" ("Delphine à Lancien")... Pas seulement à cause du fondu enchaîné entre certains morceaux. J'entends aussi Scola, Dabadie, Sautet... Qui a tant grandi dans cette affaire ? Qu'est ce qui fait qu'elles  sont moins rêches, les cordes manouches, moins à l'usine, plus dans le spleen ? Qu'est ce qui leur donne cette patine si mélancolique, à ces arrangements de standards sépia ("The Mooche", "Begin the Begine", "Moonlight in Serenade") ?

Il y a de la valse à mille temps dans le nouvel album de Christian Escoudé, et même quand ça bouge, on peut respirer, ce n'est pas la ruée, on a le temps de prendre une photo, à "Chicago" comme au "Moulin Rouge", et on retrouve toute la saveur d'un morceau comme "Made in France"... Mais c'est surtout quand le tempo se ralentit qu'on décolle. C'est tellement ça, le Django qu'on aimait. Celui de "Choti " que David Reinhardt arrose de quelques coulis de mandoline, ou de "Quelque fois (pour que ma vie demeure)", avec la parenthèse qui veut tout dire...

De la valse, oui... Quelque chose d'Aranjuez aussi, avec ce "Catalogne" qui est peut-être le sommet du disque. C'est Anne Pacéo qui donne le tempo avant que ne s'envole la clarinette de Thomas Savy. C'est beaucoup moins "jungle" et beaucoup plus lancinant que la version qu'en avait donnée Escoudé autrefois, dans un disque américain. Autre temps fort du disque, l'échevelé "Tango pour Christian"... ça non plus, ce n'est pas du Django, ou alors ce serait un Django enfin adulte, un Django qui aurait échangé l'insouciance contre une gravité cool, pas redondante, tranquillement poignante face au temps qui passe et aux belles choses qui restent encore à vivre...

Mais bon, c'était aussi ça Django Reinhardt, même si ce n'est pas le Django qu'on nous vend... Qui a tant grandi, finalement, dans "Catalogne" ? Django lui-même ? Le guitariste vedette de l'album ? ou alors le type à la réalisation qui, aussi bien sur disque qu'à la tête de  TSFJAZZ, est toujours là pour montrer qu'on est jamais autant soi-même qu'en allant voir ailleurs... Au fait,celui-là, il ne serait pas devenu papa, par hasard?

"Catalogne", de Christian Escoudé (Label Plus Loin Music), qui est l'invité du  20h de TSFJAZZ, ce mardi 6 avril