Un héros
Le sourire est tour à tour fragile, forcé, ambigu, embarrassé... Magnifique idée que de faire de ce simple rictus du comédien Amir Jadidi une sorte de curseur dans la mécanique imparable déployée par Asghar Farhadi. Oubliée, l'errance espagnole d'Everybody Knows... Avec Un héros, tourné dans son propre pays, le réalisateur iranien retrouve cette rigueur non dépourvue d'efficacité narrative dont bénéficient ses meilleurs films.
Au cœur de l'intrigue, la découverte inopinée d'un sac à main rempli de pièces d'or. De quoi permettre à Rahim, le personnage principal, de rembourser son créancier et d'échapper à la prison. Rattrapé par sa conscience, il préfère pourtant rendre cet argent tout en essayant de retrouver la propriétaire du sac à main. Le geste ne passe pas inaperçu: du jour au lendemain, Rahim brille sur les réseaux sociaux, jusqu'au moment où quelques zones d'ombre dans son parcours finissent par l'exposer à la vindicte générale.
Une ambiance kafkaïenne prend alors le spectateur en tenaille, et ce qui semblait limpide s'obscurcit. La mise en scène amplifie le trouble puisque derrière sa caméra, Farhadi ne prend pas partie. Regard d'entomologiste, même sur son héros trop parfait, tout en veillant à ne noircir aucun tempérament. "Chacun a ses raisons ", pour reprendre la célèbre phrase de Renoir. La société iranienne, en revanche, dans ses multiples réceptacles à aliénation (bureaucratie, peine de mort, patriarcat, phénomènes de meute...) ne ressort guère grandie.
Il manque peut-être un peu d'espace dans cette horlogerie. Le scénario est si dense que le flux informatif prend le pas sur un autre type de fluidité, plus aéré et plus propice à l'émotion même si on voit bien le concours prêté en la matière par un personnage d'enfant qui bégaie... Ces petites réserves mises à part, la présence du film dans le dernier palmarès cannois n'a rien d'une incongruité.
Un héros, Asghar Farhadi, Grand Prix du Jury à Cannes, ex aequo avec Compartiment No 6. Sortie en salles ce mercredi 15 décembre.