Compartiment No 6
Et si les Finlandaises étaient plus craquantes que les Norvégiennes ? Découvrant à quelques semaines d'intervalle la Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier et ce Compartiment No 6 centré sur une jeune femme pareillement indécise et mélancolique, le style de Juho Kuosmanen nous apparaît moins distancié. Ici, pas de virtuosité plus ou moins factice mais un regard embué et ému sur une étudiante en archéologie qui se reconnecte à elle-même dans un train en partance pour l'Arctique.
Départ depuis Moscou. Laura, une Finlandaise d'apparence timide, part seule pour Mourmansk où un site archéologique l'intéresse au plus haut point. Au dernier moment, son amante russe, une mondaine qui égayait son exil avec des soirées intellos, a annulé son billet. La tronche du train dans lequel elle embarque, son caméscope, le tube qui tourne en boucle dans son casque (Voyage, voyage de Desireless)... Autant d'éléments qui situent le récit dans la période qui suit la fin de l'ex-URSS. On fume et on se bourre la gueule dans les compartiments, les escales durent des plombes, les gares rivalisent en sinistrose...
Et en plus, il lui faut partager le compartiment avec Ljoha, un jeune prolo russe lourd et alcoolisé. Au secours ! Que peut comprendre un tel crétin à l'art des pétroglyphes, ces peintures rupestres qui passionnent tant Laura ? Au gré du rail-movie, pourtant, l'effroi de la jeune femme cède à la tendresse, et le Lhoja en question n'a pas l'air si autiste qu'on pouvait le penser. Ce sera évidemment une rencontre sensuelle et sans suite. Quel prolongement en espérer à part un baiser abandonné ?
Et pourtant, des brumes ferroviaires aux neiges de Mourmansk, cette rencontre éphémère fait jaillir des audaces et tomber des préjugés. "Ce qui me manque le plus, c'est son regard sur moi ", lâche Laura au sujet de son amoureuse restée à Moscou... À ce compte-là, l'étudiante en archéologie va finalement trouver son bonheur et sa vérité. Qu'importe que ce Lhoja ne sache pas la dessiner où qu'il se fourvoie en beauté lorsqu'il lui écrit "Je t'aime " en finlandais... L'essentiel est passé, au gré d'une mise en scène qui fait surgir le solaire du décrépit avec en renfort deux interprètes, Seida Haarla et Youri Borsov, qui crèvent l'écran corps et âme.
Compartiment No 6, Juho Kuosmanen, Grand prix du Jury ex æquo au Festival de Cannes (Sortie en salles ce mercredi 3 novembre)