The Social Network
Ce n'est pas forcément évident que de faire un film sur une machine. Voilà donc ce merveilleux conteur qu'est David Fincher lancé sur les traces de Mark Zuckerberg, le créateur de "Facebook". Résultat mi-figue, mi raisin. La première partie de "The Social Network" est franchement plombante : informatique, machines, business... Le film se la joue aussi autiste que le personnage principal. Au manque de glamour se surajoute une construction foireuse en mode flashback, avec croisements incessants entre l'ascension du créateur de Facebook et les procès que lui intentent ses futurs ex-associés.
Quant aux dialogues, ils sont débités à toute berzingue, phagocytant le minimum de respiration que ce type de récit nécessite pour qu'on s'y laisse prendre. C'est curieusement avec l'entrée en scène du pâlot Justin Timberlinke dans le rôle de Sean Parker, le fondateur du site de musique Napster, que le film décolle véritablement. A moins que ce soit le transfert de l'intrigue de Harvard à la Californie qui donne progressivement une touche à la Bret Easton Ellis à cette saga de jeunes affairistes cocaïnés qui ne s'échappent de leurs ordinateurs que pour affronter leur immense misère affective et spirituelle, puisque c'est là, semble-t-il, la clé originelle de la success-story de Mark Zuckerberg.
À la fin du film, donc, le créateur de Facebook n'a plus aucun ami, hormis, peut-être, son ancienne dulcinée qui l'avait plaqué en grandes largeurs et dont il espère retrouver le contact par un simple petit clic. David Fincher aura réussi entre-temps à relier son personnage à cette galerie d'individus renfermés sur eux-mêmes auxquels il prête une attention soutenue depuis le début de sa carrière et dont l'ami Benjamin Button aura été l'archétype le plus flamboyant.
Il aura surtout retrouvé, au gré d'une mise en scène enfin captivante (ah, cette fameuse course d'aviron rythmée par une version électro d'Edvard Grieg...) cette capacité hors-pair à filmer une Amérique qui meurt de sa modernité, engoncée dans le cynisme et le mépris de l'autre, à l'image de toutes les trahisons qui émaillent le film. Sur le phénomène Facebook en soi, on restera en revanche un peu sur sa faim, même s'il est difficile par ailleurs de théoriser sur un instrument qui peut s'avérer, au choix, fabuleux lorsqu'on en maîtrise les ramifications et qu'on en dispose de façon ludique et distanciée, ou alors lamentable quand il n'est plus que le paravent d'une impuissance à se mouvoir dans un véritable human network...
"The Social Network", de David Fincher (Sortie en salles ce 13 octobre)