The Grandmaster
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strong>Tchekhov vient de Hong Kong, il s'appelle Wong Kar-wai. La nostalgie, le sentiment d'ennui qui succède aux occasions perdues ou encore cet irrépressible attachement à des valeurs qui ne sont plus d'époque... Autant d'éléments qui relient le dramaturge russe au réalisateur de "In The Mood For Love" avec à la clé un film-opéra dont les éblouissements visuels servent autant à esthétiser les codes du Kung-Fu qu'à distiller une mélancolie qui peut aussi faire penser à l'univers de Sergio Leone.
Cette mélancolie, Wong Kar-wai l'avait caressée façon grenadine, juke box et bulles de champagne en filmant Norah Jones dans le sous-estimé "My Blueberry Nights". "The Grandmaster" se veut plus hiératique, les arts martiaux n'ayant jamais aussi bien mérité leur nom que dans l'odyssée de Ip Man, ce futur professeur de Bruce Lee dont la suprématie sera disputée par des biens des rivaux -et notamment par une sacrée rivale avec laquelle se noue une relation emprunte de non-dit amoureux.
L'Histoire, avec sa majuscule, ne manque pas en parallèle de tout broyer sur son passage, depuis l'occupation japonaise jusqu'à l'arrivée des communistes. Stylisées à l'extrême et amplifiées par un usage lancinant du ralenti ou encore du plan de groupe transformé en image fixe comme dans les bons vieux albums de photos, les douleurs que filme Wong Kar-wai prennent une tonalité élégiaque, à l'image de ces cerisiers en fleur plantés dans un jardin enneigé. Tchekhov, après tout, avait peut-être imaginé lui aussi, dans ses rêves, une Cerisaie submergée par la confusion des saisons.
strong>"The Grandmaster", de Wong Kar Wai (Sortie en salles ce 17 avril)