Temps (Wajdi Mouawad)
Que cela donne envie, sur le papier... Une ville battue par des vents violents à la frontière du Labrador, des rats qui envahissent les rues, deux frères et une soeur qui finissent par se rendre compte que leur père, vieillard incestueux camouflé Alzheimer, est l'homme à abattre. Il reste à faire théâtre de cela, et c'est un art auquel, dans une vie antérieure, Wajdi Mouawad est passé maître. Mais sur la scène de Chaillot, après tant d'autres déceptions déjà, et sur fond de bouillie rock signée Bertrand Cantat, le dramaturge libano-québécois trébuche, une nouvelle fois.
Le texte, sculpté au mot près, encombre la scène d'une préciosité que les comédiens ne parviennent guère à transcender. La déclamation tient lieu d'incarnation. Les personnages, les liens qui les unissent ou les séparent, ne sont pas véritablement construits. Au mieux, ce sont des ombres, au pire, des pantins. On reste ainsi de marbre face à la dévastation qui, peu à peu, se joue sur le plateau et que de multiples effets sonores ou visuels sont censés accentuer. Mais les procédés, cette fois-ci, sont trop voyants. Ils ont aussi un air de déjà-vu. A la fin, la salle applaudit mollement.
"Temps", de Wajdi Mouawad (Théâtre de Chaillot, jusqu'au 25 mai)