Samedi 13 mars 2010 par Ralph Gambihler

Ciels

Est-on entré, avec Wajdi Mouawad, dans un nouveau type d'avis critique ? Non plus le théâtre qu'on aime ou le théâtre qu'on aime pas, mais plutôt le théâtre qu'on aurait voulu aimer... Déjà avec la reprise de "Littoral", le mois dernier, à Malakoff, quelque chose s'était cassé... Formellement conquis par toute une série de dispositifs dans la mise en scène, on l'était beaucoup moins par un propos et une direction d'acteurs quelque peu plombants et superfétatoires.

Avec "Ciels", dernière création du dramaturge libano-québécois, le trouble est encore plus manifeste. Pendant toute une partie du spectacle, on se dit "pourquoi pas ?"...  Pourquoi pas, en effet, ce renversement du rapport scène/public à travers des tabourets pivotants alignés dans un grand cube blanc, les comédiens jouant tour à tour au milieu  des spectateurs ou alors sur l'un des quatre côtés du cube ? Pourquoi pas, ces mots qu'on entend (on croit reconnaître la voix de Bertrand Cantat) sur les fils victimes des crimes de leurs pères ? Pourquoi pas cette assourdissante sonate de bombardements alors que le cube est soudain plongé dans le noir ? Pourquoi ne pas applaudir, en effet, ce théâtre réinventé où des comédiens se livrent autant sur scène que par le biais d'un écran d'ordinateur ou d'un visiophone ?

C'est l'objet narratif qui, en réalité pose problème: des agents secrets confinés dans leur univers tentent de décrypter des codes qui annoncent l'éminence d'un attentat. Piste islamiste ? Pas si sûr, selon l'un des membres de l'équipe, venu remplacer le chef du groupe qui s'est suicidé lorsqu'il appris que son propre fils était compromis dans cette sombre entreprise dont la clé réside dans un tableau du Tintoret.

Bon, on n'arrête là. Apparemment, Dan Brown aurait beaucoup apprécié ce type de récit dont la lourdeur et le caractère puéril vont de pair avec une faiblesse sidérale de pensée dans la volonté de tenir un discours globalisant sur la façon dont les atrocités du 20ème siècle contaminent notre époque... Le jeu d'acteurs ne s'embarrasse guère, lui non plus, de subtilités, malgré la grâce que déploie Stanislas Nordey dans le rôle principal... Et puis, force est de l'admettre : le tabouret pivotant, pour des gens qui ont l'esprit vieux comme moi, ça devient un peu suant au bout de 2h30 de spectacle...

Ciels, de Wajdi Mouawad, aux Ateliers Berthier de l'Odéon (jusqu'au 10 avril)