Ma part du gâteau
La crise existe, Cédric Klapisch vient de la découvrir. A la remorque d'un Ken Loach délesté de son authenticité, le réalisateur du "Péril jeune" et de "Paris" tourne le dos, avec "Ma part du gâteau", à tout ce que sa filmographie regorgeait de finesse, d'intuition et de sensibilité. On a affaire, ici, au contraire, à un propos caricatural dont la naïveté apparente laisse place, peu à peu, à une roublardise du plus mauvais effet.
Le pitch en quelques mots: Karin Viard joue France (bonjour le symbole !), une ouvrière de Dunkerque licenciée pour cause de délocalisation. Elle devient femme de ménage chez un trader campé par Gilles Lelouche, lequel se trouve être le responsable direct de la faillite de l'usine. C'est entre ces deux là que Cédric Klapisch nous rejoue "Pretty Woman", allant même jusqu'à nous faire entendre le célébrissime tube de Roy Orbinson dans l'une des séquences les plus consternantes du film.
La première grande faille dans l'écriture, c'est qu'on ne comprend absolument pas pour quelle raison Karin Viard tombe dans les bras d'un type aussi imbu de lui-même... Sauf à voir dans ce trader mal rasé, vulgaire et lourdaud le prototype du nouveau fantasme sexuel contemporain ! Il paraît que c'est Jean Dujardin qui a inventé le genre et que ces dames en raffolent. Pourquoi pas ? Le problème, c'est que le réalisateur, soudainement, ne semble plus trop croire lui non plus à cette improbable romance.
C'est la 2ème grande faille dans le film... "Pretty Woman", au moins, osait l'impossible. Coline Serreau, avec le magnifique "Romuald et Juliette", savait trouver elle aussi le déclic et l'intelligence de la caméra pour rendre à la fois fantasque, crédible et émouvant le même genre de love story. Cédric Klapisch, lui, se dégonfle et bifurque au final dans un scénario justicier où le méchant est châtié comme il le mérite par des ouvriers filmés en meute.
Alors voilà... La lutte des classes sans le minimum de classe, c'est dur... La bougeotte de la mise en scène, avec cette succession de plans courts et frénétiques, comme si on était dans un clip, ça relève des mêmes cadences infernales que dans les usines auxquelles Klapisch s'intéresse désormais. On ne sera guère plus indulgent pour les effets comiques et les gros plans mélos dédiés à une actrice qui pense déjà à son futur César. La seule chose de bien, finalement, dans "Ma part du gâteau", c'est l'affiche du film, joliment vintage, façon Blue Note... Mais bon, peut-être que dans son prochain long-métrage, Cédric Klapisch cessera de coller des affiches.
"Ma part du gâteau", de Cédric Klapisch (sortie en salles le 16 mars)