Lundi 12 novembre 2012 par Ralph Gambihler

Looper

Plus supportable mais pas d'avantage opérationnel que le "Inception" de Christopher Nolan, "Looper" renoue avec cette vogue des blockbusters intellos qui tentent régulièrement de faire  leur trou depuis que  "Matrix" a été certifié par certains comme un chef d'oeuvre à l'égal de  "Citizen Kane". On demande à voir.

En attendant, c'est un quasi-inconnu au bataillon hollywoodien, Rian Johnson, qui jongle entre pétarades, courses-poursuites et blog philo en nous embarquant dans les tribulations d'un tueur de l'an 2040 censé expédier ad patres son propre lui-même plus vieux de 30 ans ! Ainsi procède la Mafia du futur, machine à remonter le temps à l'appui,  lorsqu'elle entend se débarrasser discrètement de ses victimes et autres témoins gênants. C'est dans ce canevas que s'entrecroisent, pour incarner les deux mémoires d'un seul et même personnage, Joseph Gordon-Levitt et Bruce Willis.

Le premier, tel le vizir de Samarcande, n'est évidemment pas très pressé de croiser son double synonyme de fin programmée. Quant au second, il est surtout attaché à vouloir trucider un gamin aux pouvoirs surnaturels dont on sait qu'il risque, bien plus tard, de précipiter l'humanité à sa perte. Le rythme de la mise en scène et les belles trouvailles dans la recomposition d'une Amérique à la fois si loin et si proche ont le mérite de ne pas trop alourdir les tortueuses méditations qu'un tel pitch peut générer sur la puissance du souvenir et les limites de notre libre-arbitre. Rian Johnson nous offre par ailleurs un mille-feuille sacrément garni dans le registre de la citation cinématographique, à commencer par la fameuse tasse de café qui, dans "Deux ou trois choses que je sais d'elle", avait inspiré à Jean-Luc Godard un célèbre trip phénoménologique.

On peut aussi se laisser séduire par la partie maison de campagne et champ de maïs joliment redevable aux élégies de Terrence Malick. Le seul souci, c'est que que tous ces collages et embardées de scénar prenant bien soin de ne pas sortir complètement du décor ne permettent guère, finalement, aux personnages d'échapper à la mécanique que le réalisateur a maquettée dés le départ. Pour le résumer en quelques mots, "Looper" vaut surtout pour ses loopings, sauf qu'après atterrissage, on n'est vraiment pas sûr de vouloir reprendre le même type d'avion.

"Looper", de Rian Johnson (Le film est sorti en salles le 31 octobre)