Inception
"Bon, on va dans quel subconscient, maintenant ?", lâche, un peu perdue, la ravissante Ellen Page à ses compagnons de fortune... Qu'elle se rassure, on est aussi déboussolé qu'elle dans cet exténuant Inception qui prétend rompre avec les blockbusters décérébrés au gré d'une intrigue quelque peu opaque. Mais après tout, on ne se refait pas : les films-labyrinthes qui mélangent le faux et le réel, ce qui est rêvé et ce qui ne l'est pas, le simulé et le non-simulé, ça n'a jamais été ma came.
Ou alors il faut s'appeler David Lynch et posséder un univers délirant et poétique qui peut rendre véritablement fascinant un scénario à chausse-trappes. Réalisateur de Batman Begins et The Dark Night, Le Chevalier Noir, Christopher Nolan n'est pas David Lynch... Il peut en revanche concurrencer un Scorsese dans ses basses eaux... On est d'ailleurs un peu atterré de voir, en l'espace de quelques mois, toutes les similitudes entre Inception et le faiblard Shutter Island.
Ici, on aurait plutôt affaire à un "Shutter Dreamland" en quelque sorte, avec encore une fois dans le rôle principal un Leonardo DiCaprio abonné aux personnages de chefs de mission vaguement schizo, torturés par un passé sombre et dont la perception du monde (et la nôtre par la même occasion) est complètement brouillée par un drame personnel dans lequel le héros est plus ou moins clairement impliqué.
Dans Inception, DiCaprio endosse le rôle d'un "extracteur" de rêves qui, avec toute son équipe, s'introduit dans le sommeil d'autrui pour arracher quelques secrets bien lucratifs, notamment en matière d'espionnage industriel. Là où le challenge devient infernal, c'est lorsqu'il s'agit, non plus d'extraire une information mais d'en implanter une, autrement dit, de fabriquer un rêve tout ficelé et de forcer le subconscient de l'autre... Tout cela fonctionne à travers différentes strates souvent militarisées (il ne se laisse pas faire, le subconscient, lorsque surgissent les extracteurs de rêves, et il a la gâchette facile...) et passablement complexes (il y a même des personnages qui rêvent à l'intérieur de leurs rêves) auxquelles le réalisateur a surajouté une love story entre DiCaprio et notre Marion Cotillard nationale (toujours à la recherche de son grand rôle américain) en ex-femme que son homme a visiblement poussé au suicide lors d'une expérimentation cérébrale passée.
Au final, on se retrouve avec une production qui n'est ni vraiment "captable", ni vraiment captivante, d'autant plus que les personnages sont dessinés au gros feutre et que la musique est tout sauf discrète. Reste bien sûr quelques belles consolations visuelles... C'est fou, d'ailleurs, ce que ça peut être beau, un rêve, notamment dans la séquence où les boulevards parisiens se retournent comme une crêpe... On relèvera également le seul début de bonne idée de ce très long-métrage (2h30 !), à savoir le regard caméra des passants dans les scènes rêvées lorsque "l'extracteur" est identifié par la personne dont il s'est emparé du cerveau. Il y a là quelque chose de kafkaïen qui flirte gentiment avec certains films de Roman Polanski...
Inception, de Christopher Nolan (Sortie en salles le 21 juillet)