Shutter Island
C'était le film le plus attendu de l'année... Martin Scorsese adaptant le légendaire "Shutter Island" de Dennis Lehane, avec Leonardo DiCaprio dans le rôle principal... Sans même avoir lu le livre, on savourait d'avance la tempête sur l'île, le climat de paranoïa sur fond de guerre froide et de Shoah non digérée, l'itinéraire infernal de "l'enquêteur enquêté", ce Marshall bien trop propre sur lui pour être vraiment net, ce qui va évidemment le mener dans l'abîme lors de la mystérieuse disparition d'une patiente dans une clinique réservée aux fous criminels.
Sur le papier, c'était immense... Affiche, casting, bande-annonce... ça clignotait dans tous les sens "Attention, chef d'oeuvre !" On sort de la salle, et là, c'est autre chose qui clignote : un triste et globuleux "Bof !"... Un Scorsese trop bien fignolé, trop bien référencé en matière d'historiographie du 7ème art, trop mécaniquement adapté, également, aux obsessions qui ont fait du réalisateur de "Taxi Driver" ce qu'il est... et du coup, un Scorsese sans surprise, formaté par son propre format, cherchant en vain le grand souffle qui permettrait de transcender à l'écran le climat labyrinthique que Dennis Lehane a su trouver avec sa plume.
Elle sonne bizarre, la tempête, dans "Shutter Island"... Elle n'a rien d'une brise, évidemment, mais elle n'emporte finalement pas grand chose en terme d'émotions et d'angoisses...Martin Scorsese n'a rien perdu de sa maîtrise cinématographique et "Shutter Island" fourmille de moments flamboyants, mais au final, c'est la déception qui se pavane et qui fait buzz lorsqu'on s'échange les premières impressions avec d'autres journalistes...Lors de la conférence de presse qu'il a donnée récemment à Paris, Scorsese se disait prêt à renouer, peut-être, avec des films à petit budget sur des scénarii dont il a le secret... Peut-être retrouvera-t-il alors cette flamme qui fait défaut ici alors qu'elle nous a donné l'une des filmographies les plus impressionnantes du cinéma contemporain.
"Shutter Island", de Martin Scorsese (sortie en salles le 24 février)