Les Olympiades
Réponse bien faiblarde à un mauvais procès. Taxé de virilisme en mal de testostérone, le cinéma de Jacques Audiard ne sera donc pas parvenu à dissiper le malentendu généré par certains de ses plus beaux joyaux. De Dheepan et des Frères Sisters, certains n'ont voulu retenir que des formats peu enclins à la délicatesse quand au contraire ces deux récits, dans les rapports entre personnages et la façon de dessiner des caractères, regorgeaient de douceur, de tendresse et de générosité. Autrement dit, Audiard n'avait pas besoin de ces mièvres Olympiades pour montrer sa féminité.
À l'ère post-#MeToo, il a pourtant ressenti le besoin de changer de braquet en faisant notamment appel, côté scénario, à Céline Sciamma (très en pointe sur les thématiques de genre...) pour entrecroiser des romances de trentenaires dans le cadre des Olympiades, ce grand ensemble du 13e arrondissement qui a remplacé tout un quartier du vieux Paris dans les années 70. Forte présence féminine et multiculturalisme assumés dans cette valse des désirs contrariés où gigotent Émilie, jeune femme d'origine chinoise passant d'un job à l'autre, Camille, un prof black pour le moins désœuvré et Nora, montée à Paris pour reprendre ses études après avoir dû digérer un trauma familial. Une troisième jeune femme, Amber, cam-girl dénudée sur le web, complète le quatuor.
Coucheries, marivaudages et sujets en vogue du moment (cyberharcèlement, violences pédophiles, jeunesses précaires...) s'enchaînent et suscitent en nous une relative indifférence. On sursaute juste un peu lorsqu'on découvre après coup que le réalisateur a voulu rendre hommage à Ma nuit chez Maud d'Eric Rohmer et à la charge érotique de son flux de paroles. La pauvreté des dialogues, le caractère fade et convenu des situations ainsi que le vernis arty mais vain d'un noir et blanc qui ne prend même pas la peine d'explorer réellement l'écrin architectural du film, donnent hélas une idée du résultat final.
Est-ce le matériau de base -un roman graphique américain contemporain- qui justifie une facture aussi schématique et ce sentiment assez pénible de voir un cinéaste se diminuer pour rester, croit-il, dans l'air du temps ? La direction d'acteurs en tout cas ne sauve pas grand chose malgré la présence de Noémie Merlant. Difficile, enfin, de ne pas avoir en tête un autre cinéaste bien plus rentre-dedans lorsqu'il s'était lui aussi résolu à renforcer et moderniser la composante féminine de son univers. On pense bien sûr ici à Claude Chabrol et à la récente biographie que lui a consacrée Antoine de Baecque. Les penchants tics et tocs de Jacques Audiard n'en sont que le pâle reflet inversé.
Les Olympiades, Jacques Audiard. Sélection officielle au Festival de Cannes. Sortie ce mercredi 3 novembre.