Vendredi 23 février 2024 par Ralph Gambihler

Le Successeur

Les masculinités gangrenées lui tiennent toujours à cœur. Six ans après son magistral Jusqu'à la garde, nettoyage à l'os d'un divorce ordinaire avec un mari ne supportant pas qu'on lui résiste, Xavier Legrand déroule le cauchemar d'un couturier parisien en vogue dont le père vient de mourir. C'est sur l'autre rive de l'Atlantique, à Montréal, que l'ambitieux créateur va devoir préparer l'enterrement et la succession de ce géniteur avec lequel il avait quasiment rompu tout contact. La douleur au cœur qu'il ressent à cette perspective est de mauvaise augure.

Car c'est bien une plongée en enfer qui attend le fils maudit, surtout lorsqu'il finit par comprendre, après s'être calfeutré dans la maison de son père, les activités auxquelles ce dernier s'adonnait. La mise en scène, tendue à souhait, montre à quel point Xavier Legrand est rompu à un certain cinéma de genre. Le thriller, pourtant, ne tient pas tout à fait ses promesses. Si glaçant soit-il, le twist décisif est terni par des scènes d'exposition un peu trop étirées. De fait, on s'attendait à un scénario encore plus infernal, avec une spirale de révélations faisant boule de neige -le décor, à tout point de vue, s'y prêtait.

Tout n'est pas à jeter, loin de là. Rythmée par une musique en mode transe, la longue scène d'ouverture sur un défilé de mode filmé en plongée fait jaillir d'emblée une certaine angoisse au-delà de son assomption esthétique. Dans le rôle principal, Marc-André Grondin rend avec brio l'oppression qui saisit son personnage sans avoir besoin de le rendre forcément sympathique. On raffole, enfin, de ces seconds rôles québécois et de leur allure de "faux amis". Avec la douce et inquiétante étrangeté qui les caractérise, on les croirait tout droit sortis d'un film de Polanski.

Le Successeur, Xavier Legrand, en salles depuis le 21 février.