Le Havre
C'était donc ça, amis critiques, votre palme d'or idéale ? Vous n'étiez que pâmoison, je m'en souviens, lors de la projection du nouveau film d'Aki Kaurismäki, "Le Havre", au dernier festival de Cannes... Je me souviens aussi que beaucoup d'entre vous s'étaient époumonés, la veille, pour démolir Terrence Malick et son "Tree of Life" qui, n'en déplaise à vos oeillères, allait finalement remporter la récompense suprême.
Franchement, amis critiques, ce n'est pas une très bonne heure, 8h du mat', pour enchaîner projection sur projection. Je vous entends encore trépigner, à Cannes, sur le thème: "Ce n'est pas une vie d'être obligé de se taper, à l'heure du petit déjeuner, des productions-fleuve et des sujets graves"...Résultat: vous passez à côté des chefs d'oeuvre et vous criez au génie lorsqu'une quelconque niaiserie finlandaise aux allures de fable utopique vient alléger en à peine plus d'1h30 de film vos cadences infernales de festivalier lambda.
En ce qui me concerne, les fables utopiques, les contes de fée, les bons sentiments oecuméniques et les films soi-disant "magiques" censés réveiller mon âme d'enfant, JE N'EN PEUX PLUS... Elle veut, mon âme d'enfant, qu'on lui foute la paix une fois pour toutes ! Ce n'est pas en réveillant mon âme d'enfant que le cinéma m'a aidé à vivre... Ce n'est pas non plus avec des oeuvres à ce point gnangnan qu'on fait avancer la cause des sans-papiers puisqu'il semble que ce soit ici le sujet dominant avec pour personnage principal un cireur de chaussures qui, appuyé par la solidarité de tout un quartier, sauve un jeune immigré clandestin des fourches caudines de la police... Le tout est stylisé à l'extrême, façon années 30, sous prétexte de ne pas tomber dans le film à message.
Le problème, c'est qu'en se miroitant ainsi dans l'esthétique "Quai des Brumes", Kaurismäki fait du sous-Amélie Poulin. Devant sa caméra, la cité havraise est réduite à un décor en carton-pâte... Sa direction d'acteurs se veut pétillante d'humour... Elle a surtout valeur de catastrophe nationale vu que pour l'essentiel ce sont des comédiens français qui sont emportés dans cette galère... Jean-Pierre Darroussin, à la limite, ne s'en tire pas trop mal dans un rôle de flic qu'il a déjà joué un milliard de fois. On ne peut pas en dire autant du cireur de chaussures incarné -ou plutôt désincarné- par un Pierre-André Wilms venu du théâtre et dont chaque phrase est prononcée sur un mode affecté aux antipodes de toute authenticité... Jean-Pierre Léaud fait également une ou deux apparitions qui provoquent beaucoup de chagrin quand on se souvient de ce qu'il a été...
"Le Havre", d'Aki Kaurismäki (Sortie en salles le 21 décembre)