Mardi 24 novembre 2020 par Ralph Gambihler

La Vie devant soi

Les Pouilles italiennes ont remplacé Belleville, probablement parce que le soleil, c'est plus télégénique. Le petit Mohammed, en revanche, préfère toujours qu'on l'appelle Momo, sauf que ce Momo noir de peau n'a plus rien de maghrébin, crise des migrants oblige. Ainsi vogue la recontextualisation dans les eaux troublantes du remake bon marché alors même que le matériau de base de cette Vie devant soi est signé Romain Gary et que Moshé Mizrahi l'avait joliment adapté à l'écran dans les années 70 avec Simone Signoret dans le rôle de Madame Rosa.

À quoi tiennent alors le charme et l'émotion de cette nouvelle production Netflix dans laquelle les personnages secondaires (le docteur, l'épicier...) le sont encore davantage et où les activités de dealer du petit Momo prennent beaucoup de place ? Peut-être bien au fait qu'on a d'abord affaire, ici, au cadeau d'un fils à sa mère, ce qui aurait beaucoup plu à Romain Gary. Le fils, c'est Edoardo Ponti, la mère, Sophia Loren. Lui derrière la caméra, elle devant. Le reste, et notamment le très faible cœfficient cinématographique de l'ensemble, on s'en fiche un peu.

Seul passe le souffle insatiable avec lequel la plus éternelle des actrices italiennes (86 ans), ex æquo avec Gina Lollobrigida (93 ans !), s'empare de ce personnage d'ancienne prostituée rescapée des camps nazis. Ravagée par un début d'Alzheimer, Madame Rosa parvient pourtant à fendre l'armure au contact d'un gamin aussi abîmé qu'elle, à sa manière. Dans un camaïeu de pudeur et de truculence, Sophia Loren signe une interprétation vibrante, et lorsqu'elle étend le linge surgit soudain le souvenir d'une scène similaire dans Une Journée particulière, d'Ettore Scola, où elle campait une personne plus jeune, certes, mais déjà soumise à l'usure de la vie. Le temps heureusement n'y change rien : même sans glamour, et à une ou deux exceptions près, une icône reste une icône.

La Vie devant soi, Edoardo Ponti ( à voir sur Netflix).