Mardi 12 juillet 2016 par Ralph Gambihler

Vacances à Venise

Impossible de remettre la main sur cette carte postale où elle est allongée sur un hamac, à croquer. Comment j'en fus dingue, de Katharine Hepburn ! Surtout dans sa période L'Impossible M.Bébé. Une tornade entêtée, piquante, magnifique. Un phrasé saccadé, des yeux rieurs et sarcastiques, une longue et fine silhouette. Pas le genre protubérant ? Tant mieux !

À l'instar de Cary Grant qu'elle "rend chèvre avec des histoires de léopard" (Philippe Garnier dans Libé...), tel Spencer Tracy accentuant devant elle son côté bourru pour ne pas fondre comme neige devant pareil soleil, on ne prête alors aucune attention aux battements de cils d'une certaine Audrey dotée du même nom. Il n'y a qu'une seule Hepburn, et elle crève tous les écrans de l'âge d'or hollywoodien. Après le Howard Hawks, il y aura La Femme de l'année, de George Stevens, et surtout trois Cukor d'anthologie: Indiscrétions, La Flamme Sacrée et Madame porte la culotte où, en l'occurrence, Katharine Hepburn porte surtout la quarantaine conquérante.

Et voilà que surgissent ces maudites années 50 ! Dans African Queen, de John Huston, la voici métamorphosée en missionnaire pincée et collet-monté face à Bogart. Vacances à Venise ne la décoince pas d'avantage. Au gré du fascinant dépliant touristique que lui déroule David Lean, elle est déconcertante de vulnérabilité dans la peau d'une touriste américaine réduite à un célibat ingrat dans la cité des Doges,  la larme à l'œil lorsqu'elle voit des couples qui s'embrassent, avant de craquer pour un bellâtre qui ne la mérite pas vraiment.

Son cabotinage est un masque, et on a de la peine à la voir dépourvue de ce raffinement de l'esprit qui débloquait jadis les libidos les plus éteintes.  Que reste-t-il de l'ex-muse hardie et déjantée, si ce n'est une tête de gondole perdue au milieu des gondoliers ? C'est ainsi. La pellicule ne capture pas seulement l'aura des stars. Elle traque aussi leur vieillissement et leur tendance à sur-jouer pour continuer à exister, sauf à se consumer soi-même dans sa propre légende, comme Marilyn. Le fait est qu'au mitan de sa carrière, Katharine Hepburn ne consume plus grand chose. Bientôt, on aura droit à la démente de Soudain, l'été dernier.

Vacances à Venise, David Lean (1955). Reprise en salles le 13 juillet.