Samedi 22 août 2009 par Ralph Gambihler

La forêt des mânes

Il va falloir en prendre l'habitude: le Jean-Christophe Grangé d'autrefois qui savait si bien dessiner et enferrer ses personnages dans des thrillers paroxystiques; le Grangé de La Ligne noire et du Serment des Limbes, le Stephen King à la française dont l'art du dénouement mettait à chaque fois KO tout lecteur pensant, à tord, avoir un coup d'avance sur la trame du récit; ce Grangé là est à ranger au rayon des grands orchestrateurs disparus.

Depuis Miserere, paru il y a tout juste un an, l'auteur des Rivières pourpres a perdu la main. Il y a, certes, moins de boursouflures et un peu plus d'habileté narrative dans La Forêt des mânes, ne serait-ce qu'à travers la tentative d'innover en mettant pour la première fois en scène un personnage féminin. La dame en question s'appelle Jeanne Korowa. C'est  une magistrate trentenaire en plein désert amoureux, accro au Lexomil et à la sérieGrey's Anatomy...

Même pas foutue de se passionner pour une sombre affaire politico-financière qui ferait d'elle une super Eva Joly, Jeanne va heureusement sortir de sa dépression au gré d'une escapade à la Ushuahia qui lui permettra de neutraliser un ex-enfant sauvage des marais argentins ayant ponctué son séjour parisien de quelques jolis carnages cannibalistiques aux penchants callipyges. Autisme, préhistoire, communautés indiennes...

l'ardeur "wikipédienne" de Jean-Christophe Grangé tourne ici à plein régime...  L'art du suspense s'en ressent... Bien avant la dernière page, le lecteur a déjà identifié le maléfice freudien qui "cache la forêt', en quelque sorte, et on est évidemment, du même coup, exaspéré et confondu par l'aveuglement dont fait preuve l'enquêtrice au gré d'un jeu de piste exténuant... Même usure dans certains thèmes dont Grangé n'arrive plus à se défaire depuis Miserere : les enfants-monstres, les tortionnaires latinos... Autant de vieilles branches qui donnent à cette Forêt des mânes une allure passablement érodée...

La Forêt des mânes (éditions Albin Michel), de Jean-Christophe Grangé (à paraître le 3 septembre)