Jimmy Rivière
Etonnant premier film que ce "Jimmy Rivière" qui tranche avec l'imagerie des gens du voyage telle que Tony Gatlif l'avait fixée sur grand écran. Alors que le réalisateur de "Gadjo Dilo" privilégie le lyrisme, la romance et parfois aussi, peut-être, une certaine lourdeur folklorisante, Teddy Lussy-Modeste filme sa communauté avec un peu plus d'âpreté. Il a surtout le don de créer un personnage de gitan derrière lequel tout le monde peut se reconnaître, ce qui est évidemment un formidable pied-de-nez à ceux qui, au coeur de l'été 2010, considéraient que les gens du voyage étaient vraiment un problème à part dans la société française.
Le film, en vérité, ne fait jamais allusion au contexte politique que l'on connait, à l'exception d'une seule et truculente séquence dans laquelle les représentants de la communauté tentent de négocier avec les élus locaux l'organisation d'un rassemblement. Mais l'essentiel est ailleurs. L'essentiel, bien sûr, c'est Jimmy Rivière, jeune coq roulant facilement des mécaniques et qui voudrait bien se racheter une conduite en embrassant la religion du Christ. Mais c'est plus fort que lui, décidément. Malgré ses belles paroles, Jimmy continue à s'adonner à sa passion pour la boxe thaï, lui qui devait renoncer à toute violence... Même topo avec sa copine arabe dont il ne parvient pas à se détacher alors qu'on lui a pourtant préparé un beau mariage avec une fille de sa communauté.
On l'aura compris: c'est l'appartenance au groupe que questionne ici Teddy Lussy-Modeste... Comme son père autrefois, Jimmy devient malgré lui une brebis gâleuse qui enchaîne les plans loose sans aucune rédemption possible, malgré ce que le début du récit laissait entrevoir... La réussite de ce film tient avant tout à sa mise en scène et à son casting. Caméra solaire, aérienne... "Jimmy Rivière" rime d'abord avec lumière. Les plans sont souvent stylisés, parfois un peu trop, mais c'est au bénéfice d'une réelle originalité esthétique, à l'image d'une séquence d'ouverture d'anthologie.
Les comédiens sont tous dans le ton. On retrouve avec plaisir Hafsia Herzi, révélée dans "La graine et le mulet". Dans le rôle d'un prêcheur à la fois menaçant, exalté mais aussi bienveillant, Serge Riaboukine est absolument impeccable. Il y a aussi une célèbre actrice du cinéma français dans ce qui est certainement le rôle le plus improbable de sa carrière, mais sans doute faut-il s'appeler Béatrice Dalle pour rendre définitivement mythologique une entraîneuse de boxe thaï. Je ne connaissais pas, enfin, le jeune acteur qui joue Jimmy Rivière. Il s'appelle Guillaume Gouy. Il n'intellectualise rien. Il est Jimmy, dans sa plénitude physique, sa pâleur de plus en plus tourmentée, son ambiguïté permanente et sa capacité à électriser chaque plan d'une présence qui crève l'écran. "
Jimmy Rivière", de Teddy Lussy-Modeste (sortie en salles ce mercredi 9 mars)