Jersey Boys
Une comédie musicale qui n'en est pas vraiment une, un parfum de gangstérisme mais sans les effluves diaboliques d'un Scorsese, et surtout un groupe soi-disant mythique mais dont les petitesses sont exhibées une à une... Il n'est pas sûr que Clint Eastwood ait véritablement répondu aux désidérata de ses producteurs en adaptant à sa manière un spectacle de Broadway retraçant la saga des Four Seasons, ce groupe de pop américain qui se voulait plus punchy que les Beach Boys mais dont la postérité, en tout état de cause, n'a guère franchi les frontières américaines.
C'est dans la banlieue de New-York que Frankie Valli et ses trois comparses vont éclore, mariant le style doo-wap des Platters avec les arrangements sophistiqués des big-bands et une imagerie à la Frank Sinatra. Il est vrai que deux des membres fondateurs ont de solides racines italiennes ancrées dans un New Jersey où la Mafia a l'habitude de roder. Les succès vont ainsi fleurir, à commencer par ce tube que Claude François reprendra sous le titre Cette année-là ou encore le fameux Can't Take My Eyes Off You dont on connait surtout la version de Gloria Gaynor ainsi que la reprise dans le film Voyage au bout de l'Enfer...
Face à un tel "palmarès", on regrette évidemment très vite une autre B.O. dans laquelle Eastwood puisait naguère lorsqu'il filmait l'odyssée de Charlie Parker. Le réalisateur parvient pourtant à capter notre attention grâce à une mise en scène soutenue et à un travail de démythification qui rappelle un peu, de façon moins flamboyante, certes, son travail sur J.Edgar... Les couleurs désaturées accentuent encore d'avantage cette mise à distance anti-flashy.
Plus que les parties chantées, on retient surtout, en fin de compte, les rivalités et la dislocation du groupe, la duplicité de l'un de ses membres qui emprunte à la caisse commune pour solder ses dettes de jeu ainsi que l'arrogance de ces Pieds Nickelés de la pop dont le peu d'envergure ne méritait peut-être pas un film de 2h15... Clint Eastwood n'en a pas moins relevé le défi avec le flegme d'un vieux de la vieille qui sait très bien ce qu'il veut filmer. Sans joliesse ni fioritures.
Jersey Boys, Clint Eastwood (Sortie en salles ce mercredi 18 juin)