Mardi 12 janvier 2010 par Ralph Gambihler

Invictus

Clint Eastwood est capable du meilleur, y compris lorqu'il tourne le dos à ce qui lui a si bien réussi... L'anti-héros de Gran Torino , on s'en souvient, flinguait le politiquement correct... Invictus est au contraire centré sur une icône,  un véritable Gandhi austral, autrement dit un certain Nelson Mandela...

Mémoires de nos pères, autre chef d'oeuvre récent de Clint Eastwood, déconstruisait l'épopée militaire des Etats-Unis durant la guerre, alors que dans Invictus, le cinéaste préfère plutôt surfer sur le mythe en racontant comment, à peine investi premier président noir de l'Afrique du Sud, Mandela va utiliser la coupe du monde de rugby de 1995 pour réconcilier et unifier son pays à travers ces fameux Springboks qui personnifiaient l'Apartheid...

On se souvient aussi, il y a deux ans, de L'Echange, avec Angelina Jolie, qui plongeait très profond dans les racines du mal... Invictus n'est au contraire que noblesse de l'âme et bons sentiments... Et ça marche du tonnerre... C'est étonnant comment ça marche... Voilà soudain un cinéaste accompli qui décide de filmer avec le gros feutre, et c'est monstrueusement efficace.

On pourra toujours lui reprocher ici ou là un plan inutile ou une B.O parfois envahissante, mais l'essentiel est ailleurs... 20 ans après Bird, Clint Eastwood filme une nouvelle fois la communauté noire avec une empathie et des intuitions qui crèvent l'écran. Il donne à Morgan Freeman le rôle de sa vie tout en reconstituant avec lyrisme et limpidité les premières années de Mandela au pouvoir, lorsqu'il fallait inventer au quotidien la nation arc-en-ciel, ne serait-ce qu'à travers le recrutement de ses propres gardes du corps... C'est peut-être aussi parce que cette histoire là nous a toujours "parlé" qu'on y est tant sensible...

Même si l'Afrique du Sud d'aujourd'hui a tellement changé, même si la sanctification de Mandela en agace certains, comment ne pas être aussi bouleversé que ce capitaine des Spingboks joué par  Matt Damon lorsqu'il comprend quelles étaient les conditions de détention de son président dans le bagne de Robben Island ? Il est tellement à l'aise, Eastwood,en ovalie sud-africaine,que même les allergiques au rugby plongeront sans la moindre hésitation dans la mêlée de ce Mondial de 1995 où Mandela portait le maillot de son équipe, jusqu'à cette finale d'anthologie face aux All Blacks menés par le terrifiant Jonah Lomu.

Bon, il paraît qu'aux dernières nouvelles, le triomphe de l'Afrique du Sud cette année là aurait été un peu arrangé, sportivement et diplomatiquement parlant... Mais il en faudrait plus pour déstabiliser l'ami Clint, lui qui sait très bien, en bon disciple de John Ford, que lorsque la légende est plus forte la réalité, eh bien c'est toujours la légende qu'on imprime...

Invictus, de Clint Eastwood (Sortie en salles le 13 janvier)