Interstellar
A chaque film de Christopher Nolan sa phrase-culte. Après le fameux "Bon, on va dans quel subconscient, maintenant ?" de Inception, on a droit, dans Interstellar, à un tout aussi évocateur "Les êtres du bulk ferment le tesseract" lâché par un sympathique robot. Autant dire qu'avant de se sentir complètement largué dans le philosophico-spatio-temporel qui sert de matelas au scénario, le spectateur aura convoqué en vain les quelques notions de sciences physiques qui lui restent pour tenter de se dépêtrer entre trou noir, force de gravitation et autre terminologie quantique.
Ainsi prolifèrent les machineries tourmentées de Christopher Nolan. Interstellar en est, de toute évidence, la représentation la plus lustrée. L'ampleur du propos, le casting fluorescent (Matthew McConaughey, Jessica Chastaing, Anne Hathaway, Matt Damon, Michael Caine...) et le mix ingénieux que tente la mise en scène entre 2001, Odyssée de l'Espace et Les Moissons du Ciel réservent des moments parfois très intenses. A ceci près que Christopher Nolan n'est pas Stanley Kubrick. Et encore moins Terrence Malick.
Il lui manque déjà un monolithe. Autrement dit cette transcendance métaphysique qui n'a guère besoin de jargon scientifique pour nous marquer de son emprise. Dégainer l'arme du mélo familial -nouveauté effectivement frappante dans une filmographie jusqu'à présent assez glacée- ne suffit pas à sauver l'entreprise. Elle s'en trouve même alourdie alors que les deux moitiés du film (l'humanité dépérissant dans les maléfices climatiques, les space cowboys allant trouver d'autres planètes où l'espèce serait susceptible de se reconstituer...) s'encastraient naturellement.
De cet entremet galactique excessivement copieux (rien à voir avec l'expérience sensorielle de Gravity même si ce film présentait aussi des faiblesses...), on prendra néanmoins le temps de savourer les meilleures parts : les tempêtes de poussière sur les champs de maïs, la planète folle où l'on croit voir des montagnes qui sont en fait des tsunamis, l'apparition de Jessica Chastaing sur un écran de télé face à son père qui a le même âge qu'elle -vu que dans l'espace les échelles de temps ne sont pas tout à fait les mêmes- ou encore les vieux thèmes de l'Amérique pionnière et de la Nouvelle Frontière reconfigurés en mode SF... D'autres, certainement, en auraient fait un chef d'oeuvre.
Interstellar, Christopher Nolan (Sortie en salles le 5 novembre)