Vendredi 24 octobre 2014 par Ralph Gambihler

François Truffaut sous-exposé à la Cinémathèque

Un grand panneau devant l'entrée de la Cinémathèque. Son visage avec l'inscription suivante: " Je veux que mes films donnent l’impression d’avoir été tournés avec 40° de fièvre"... Les Diafoirus de la cinéphilie officielle en ont décidé autrement. 30 ans après sa mort dont notre adolescence fut à jamais consumée, François Truffaut est désenfiévré, affadi et sous-exposé au sein même d'une institution à laquelle il était si formidablement attaché.

Les déchirures maladives, les pulsions dépressives, les crispations relationnelles, les hantises au bord du morbide... Evacuées ! La Cinémathèque expose le masque de François Truffaut et non pas ce qu'il y a derrière. Le sentiment plutôt que le ressentiment, comme si l'un et l'autre n'étaient pas sur le même pied d'égalité lorsqu'il s'agit de décrypter l'univers d'un cinéaste qui tombait pratiquement amoureux de toutes ses actrices. Le notarial plutôt que le ténébreux, également... De La Peau Douce aux Deux Anglaises et le Continent, il en existait, pourtant, des caresses compromettantes, des lâchetés sous le jour le plus cru, des tâches de sang sur le drap...

Mais non ! 30 ans après la mort de Truffaut, il faut encore sauver les meubles. Reconstituer son bureau, par exemple. C'est soi-disant le clou de l'expo. Triste dédale au travers d'un Truffaut pour manuels scolaires : Truffaut et les livres, Truffaut et l'enfance, Truffaut et la passion amoureuse... La Chambre Verte n'est pratiquement pas cité. Cela aurait fait mauvais genre, Truffaut et la mort ? Des documents mille fois vus ou franchement pas très intéressants (toute cette partie, notamment, sur le rayonnement international de l'intervieweur préféré d'Alfred Hitchcock), des citations qui prennent un sacré coup de vieux ( "L'amour est une joie et une souffrance") ou qui ne sont pas reproduites car elles seraient en complet porte-à-faux avec l'esprit de l'expo ("La vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas"), des écrans au son calfeutré, comme si les voix ne dessinaient pas, dans ce type de filmographie, une véritable musicalité du tourment...

On cherche en vain l'originalité, l'étincelle, la fièvre. La température ne monte qu'une seule fois, en fait. Un document fabuleux, qui n'a l'air de rien... Cherchant la jeune fiancée d'Antoine Doinel dans le 2e film de la série (le rôle sera dévolu à Marie-France Pisier), le cinéaste définit ce qu'il cherche: "Elle ne doit être ni mutine, ni piquante, ni pimpante, ni aguichante, ni froufroutante, ni sexy mais plutôt simple, bien élevée, fraîche, jolie et tout à la fois un peu grave et assez rieuse". Le voilà qui nous parle, enfin...

L'Evénement François Truffaut, Cinémathèque Française, jusqu'au 15 janvier 2015