Prendre le train avec Marie-France Pisier...
"Les films avancent comme des trains, disait François Truffaut, comme des trains dans la nuit"... Séquence de train, donc, dans "L'Amour en fuite", dernier volet de la saga d'Antoine Doinel. Jean-Pierre Léaud a retrouvé l'amour de ses 20 ans, la fameuse Colette qui nous semblait un peu boulotte lorsqu'on l'avait vue pour la première fois à l'écran. Mais là, à l'orée des années 80, elle est resplendissante et lumineuse. C'est toujours pareil, les retrouvailles, ça vous fend beaucoup plus le coeur que la première fois.
C'est là, dans le train, qu'elle lance l'une des répliques les plus inoubliables du cinéma français : "Je suis franchement déçue, Antoine ! Vous avez vraiment une drôle d'idée du couple, on a l'impression que seul le moment des rencontres vous intéresse, que pour vous l'aventure de la vie, ça s'arrête dés que deux personnes sont réunies"... C'était cela, Marie-France Pisier, noyée un dimanche de Pâques: une rencontre, foudroyante, avec mes atomes cinéphiles et amoureux du moment, et puis, plus grand chose d'autre ou presque...
Oh, il y eut, certes, là encore, de belles retrouvailles, on va y revenir, mais c'est vrai qu'on s'est perdu de vue, ensuite, Marie-France Pisier, ma cinéphilie et moi... Je ne sais pas comment j'ai fait pour louper ou pour passer à côté des Téchiné, Bunuel et autres Rivette qu'elle a également arpentés de son allure délurée et de sa voix fantasmatique... Peut-être la voulais-je, inconsciemment, truffaldienne et rien d'autre, comme la si touchante Claude Jade, partie plus discrètement, elle aussi, il y a quelques années alors qu'elle avait si brillamment tenu le haut de l'affiche dans les amours d'Antoine Doinel.
Les retrouvailles eurent lieu sur scène, en 2005... Dans "Liaison Transatlantique", Marie-France Pisier joue une Simone de Beauvoir amoureuse d'un écrivain américain et qui finalement sacrifie la plénitude sexuelle aux conforts de son statut parisien au côté de Sartre... C'est un rôle fait pour elle... Trop, peut-être... Elle en bafouille, un peu, comme si ça faisait collision, la comédienne militante, aventurière, égérie des seventies, avec la philosophe austère et nostalgique d'un moment où elle était plus féminine que féministe.
Dans sa loge, à la fin de la pièce, elle a de nouveau ce sourire qui me rappelle la scène du train dans "L'Amour en fuite"... Elle est trop contente, dit-elle, de pulvériser les faux semblants du couple Sartre/De Beauvoir avec cette histoire d'amant américain qui en dit plus long que tous les "2ème sexe" réunis... Ensuite, elle me demande des nouvelles de Jean-François Bizot...
Marie-France Pisier (10 mai 1944-24 avril 2011)