50 nuances plus sombres
L'automne ne fut pas de tout repos boulevard des bobos... Inondé de sarcasmes, voilà qu'on s'acharnait à trouver une certaine fraîcheur à l'incontournable "Fifty Shades of Grey" de E.L. James. Il est vrai que l'idée consistant à maquiller une banale addiction amoureuse en pseudo-odyssée SM avait de quoi séduire malgré l'idiotie virginale prêtée à l'héroïne du récit. Son "dominant" avait, de fait, un peu plus d'allure dans le genre faux pervers faisant semblant de jouer les Machiavel du pieu pour mieux emballer sa dulcinée.
On ne joue plus, hélas, dans "50 nuances plus sombres". Alourdi d'un passif psychologique dont on se contrefiche royalement, le Don Juan en toc du premier tome a jeté le masque et il n'arrive même pas à la cheville d'un chevalier Des Grieux. Le voilà désormais aussi nunuche que sa girlfriend qu'il finit par demander en mariage après avoir pratiquement renoncé à toutes les postures qui faisaient le sel du livre précédent. C'est presque de l'émasculation, cette métamorphose !
Du coup, les échanges de mails autrefois sardoniques ont un goût de moisi, l'héroïne du bouquin est encore plus insupportable de niaiserie tandis que la fameuse "chambre rouge de la douleur", désormais condamnée, s'éloigne au profit de pitoyables ébats sur piano ou table de billard... On nous avait promis du sombre ? Arnaque ! Ce 2ème tome devrait plutôt être intitulé "50 nuances plus vanille"... Il y avait pourtant une idée intéressante qu' E.L. James se garde bien d'explorer.
Pourquoi la romancière britannique n'a-t-elle pas transformé la mijaurée du premier tome en crazy bitch bien décidée, cette fois-ci, à mâter son amant désormais amadoué ? Trop compliquée à mijoter, cette dialectique élémentaire du maître et de l'esclave ? Il faut le croire puisqu'en lieu et place le lecteur se retrouve confronté à un sous-roman Harlequin laborieusement assaisonné de sauce polar (apparition d'une ex-soumise armée d'un revolver, accident d'hélicoptère...). Pas sûr qu'on ait envie d'en goûter une troisième tranche.
"50 nuances plus sombres", de E.L. James (Editions JCLattes), parution le 3 janvier.