Les Matins Jazz

du lundi au vendredi, de 6h à 9h30
Laure Albernhe, Mathieu Beaudou et Marine Gibert
Lundi 27 février 2023 | 06:00 - 09:30

La brouille à Copenhague entre Dexter Gordon et son aîné Ben Webster

Aujourd'hui, on se souvient du saxophoniste Dexter Gordon, né le 27 février 1923 à Los Angeles, mais qui n’a pas vécu toute sa vie aux Etats-Unis. Au début des années 60, il était venu s’installer en Europe, d’abord à Paris, puis au Danemark.

Et c’est là que nous nous trouvons, ce matin. 

Nous sommes au Club Montmartre, à Copenhague au milieu des années 60. Entre deux de ses sets, son aîné Ben Webster vient lui offrir un briquet en or de chez Cartier. "OK, on oublie ça mais ne recommence jamais!"

La brouille, qui avait duré plusieurs semaines, avait commencé sur scène quand les deux saxophonistes s'étaient livrés à deux approches différentes du standard des standards "Body & Soul". Si Ben Webster l'avait joué dans la tradition, Dexter Gordon l'avait joué "à la manière de John Coltrane", avec une gamme chromatique et des accords différents. C'est d'ailleurs ainsi que, par la suite et jusqu'à la fin de ses jours en 1990, Dex a joué "Body & Soul."

Ben Webster en avait été ulcéré : "Comment oses-tu? C'est pas comme ça qu'on joue ce morceau. Pour qui tu te prends?" En rentrant chez eux à Copenhague, où les deux saxophonistes avaient trouvé un accueil beaucoup plus chaleureux que dans leur Amérique natale, Ben Webster n'avait pas décoléré. La brouille n'a duré que quelques semaines car on n'efface pas le temps d'un chorus une estime réciproque qui dure depuis si longtemps. 

Les deux saxophonistes s'étaient rencontrés à NYC au tout début des années 40, quand le jeune Dexter Gordon était en tournée avec le vibraphoniste Lionel Hampton, dont il avait intégré le groupe à l'âge de 17 ans.

Bien de l'eau a coulé sous les ponts avant qu'ils ne se retrouvent à Copenhague, où Dex avait élu domicile après un séjour à Paris. Là, il avait trouvé la reconnaissance qu'un musicien africain-américain n'arrivait pas à trouver chez lui. Ben Webster, lui, avait d'abord choisi les Pays Bas, mais avait quitté Amsterdam où résidait Don Byas, jugeant qu'il n'y avait pas assez de place dans la ville pour deux légendes du ténor.

A Copenhague, au début des années 60, le public amateur de jazz était prêt à accueillir les deux maîtres, de deux générations et, deux approches du jazz sensiblement différentes. Et si Dexter Gordon a finalement choisi de retourner aux Etats-Unis, où il est mort en 1990, Ben Webster, lui, en a fait sa dernière demeure.

A part ça, dans ces Matins Jazz du lundi, on parle de l'expo photo "Black & White Music" à voir en ce moment au Café de la Danse, ainsi que du nouveau film de Sam Mendès avec Yaël Hirsch, fondatrice en ligne du magazine "Toute la culture".

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