Le centenaire de Charles Mingus : l'Abécédaire !
Sa contrebasse, son groove, ses explorations, ses colères, son irrépressible mélancolie...
Du lundi 18 au vendredi 22 avril on célèbre le parcours exceptionnel de Charles Mingus à l'occasion du centenaire de sa naissance, le 22 avril 1922.
Découvrez les épisodes marquants de la vie et de l'œuvre du légendaire contrebassiste à travers un abécédaire quotidien. Cinq lettres par jour, en voix et en musique...
A comme Armstrong: avant de voler de ses propres ailes, Charles Mingus s'est rodé au sein de plusieurs grands orchestres, à commencer par celui de Louis Armstrong qui l'engage en 1942, juste après avoir tourné pour Hollywood Cabin in the Sky, de Vincente Minnelli... Un engagement qui culmine lors d'une tournée au Canada tout en permettant au contrebassiste de signer ses premières séances studio à Los Angeles, début 1943, pour le service radio des forces armées. Courte expérience. Mingus n'aime pas le rapport entre Satchmo et son public blanc. Les grimaces et les clowneries, ce n'est pas style, même si ce thème du clown qui essaie de plaire à tout le monde sans y parvenir lui inspirera plus tard, mais dans une toute autre optique, l'un de ses premiers grands albums intitulé justement The Clown.
B comme Blues & Roots: L'un des albums phares de Mingus, son troisième sur le label Atlantic avec pour cahier des charges un retour aux sources sous forme de déferlante soul, blues et musique d'église. De quoi casser son image de musicien cérébral avec autour du contrebassiste une légion de grands noms parmi lesquels Horace Parlan aux claviers, Jackie McLean au sax alto ou encore Pepper Adams dont l'introduction au baryton sur Moanin' entre autant dans la légende qu'un autre Moanin' -celui des Jazz Messengers. Autres titres majeurs, Wednesday Night Prayer Meeting et son gospel gorgé de ferveur, ainsi que Jelly Roll Jellies en hommage à Jelly Roll Morton. Gravé en février 1959, Blues & Roots ne sortira pourtant qu'un an plus tard, Atlantic ayant pris ombrage du contrat signé entre-temps par Mingus avec le label Columbia.
C comme Celia: C'est au moment où il connaît une période plus calme dans l'orchestre de Red Norvo que Charles Mingus rencontre Celia Nielson, jeune femme intrépide à l'esprit libre qui devient sa seconde épouse en avril 1951. Tous deux s'installent alors à New-York et c'est avec l'aide de Celia et en partenariat avec le batteur Max Roach que Mingus crée son propre label, Debut Records, où paraîtra notamment Jazz at Massey Hall, le fameux live de Toronto autour de Charlie Parker. Un an après qu'elle lui ait inspiré une jolie ballade dans l'album de 1957, East Coasting, Celia et Mingus se séparent. Il aura deux autres épouses, Judy Starkey et Sue Graham. Celia quant à elle refera sa vie à San Francisco avec Saul Zaentz, futur patron du label Fantasy Records et producteur de quelques films célèbres comme Vol au-dessus d'un nid de coucou et Le Patient anglais.
D comme Dr Pollock: un psy qui contribue aux notes de pochette d'un album, pourquoi pas ? C'est le Dr Edmund Pollock qui prend sa plume en 1963 pour le disque The Black Saint & The Sinner Lady après avoir connu avec son lunatique patient des hauts et des bas. Cinq ans auparavant, les ponts semblaient rompus, Charles Mingus rendant son psy responsable de ses tourments conjugaux avant de se faire brièvement interner à l'hôpital Bellevue à New York. "Il se peut que ce disque soit son meilleur du point de vue de son développement actuel, mais j'insiste sur le fait que M. Mingus n'est pas encore 'abouti', écrira Pollock au sujet de The Black Saint... Il est encore en phase de changement, ajoutera-t-il avant de conclure: "On est en droit d'espérer que son intégration supérieure lui apportera la paix intérieure, mais il faut nous attendre à d'autres surprises de sa part"...
E comme Ellington: Et si Charles Mingus était d'abord un "Duke Ellington énervé", pour reprendre la formule de François Lacharme, le président de l'Académie du jazz ? Ce qui est sûr, c'est que l'un a véritablement idolâtré l'autre, et cela dès l'adolescence. Mingus apprécie par-dessus-tout la conception orchestrale du Duke, son écriture musicale ainsi qu'une certaine idée de ce que signifie être Noir aux Etats-Unis. Leurs chemins se sont aussi souvent croisés, notamment au début des années 50 lorsque Ellington enrôle Mingus dans son orchestre. Il doit pourtant le renvoyer début 1953 après une altercation avec le tromboniste Juan Tizol, l'un sortant sa hache, l'autre sa machette. Autre temps fort en 1962, et dans une ambiance presque aussi électrique, avec l'enregistrement de Money Jungle où Duke Ellington partage l'affiche avec Charles Mingus et le batteur Max Roach.