In Water
Quand c'est flou, il y a un loup, paraît-il... In Water est pourtant doux comme l'agneau, avec en renfort un défi pictural inouï. Poussant plus loin encore le minimalisme au rythme de plus en plus impressionnant de deux films par an, le cinéaste sud-coréen Hong Sang-soo ose donc ici un récit en eaux troubles, dans tous les sens du terme: un jeune metteur en scène propose à son actrice et à son chef-op un tournage improvisé sur une île rocheuse sans trop savoir ce qu'il va filmer. Plutôt impressionniste, cette façon de faire, exactement comme ces images floues à l'écran qui semblent restituer, mais en séquences animées, ces salons 19e où Monet, Renoir et Degas présentaient leurs toiles.
Dans un décor de rêve, les vagues se confondent avec le ciel, les couleurs prennent le pas sur les formes et les expressions des visages, a fortiori, se dissipent dans l'incertitude des sentiments au sein d'un trio où le jeune réalisateur, qui cache son mal-être sous sa capuche, paraît s'exclure vis-à-vis des deux autres personnages. On l'aura compris: entre profondeur de champ et profondeur d'âme, Hong Sang-Soo a opté pour un choix radical.
Des éléments plus concrets viennent en même temps ralentir la dilution du propos: une femme qui ramasse les déchets laissés par des touristes négligents, une vieille chanson d'anniversaire utilisée lors du tournage et qui fait écho à quelques sublimes notes de guitare enregistrées sur un magnétophone... Le film dure 1h05, et la beauté fulgurante de son dernier plan, dans les limbes de cette "mer jamais étale" chantée autrefois par Léo Ferré, nous étreint par sa poésie et son émotion. Elles n'ont, pour le coup, plus rien de flou.
In Water, Hong Sang-So (Sortie en sales ce mercredi 26 juin)