Jeudi 22 novembre 2007 par Ralph Gambihler

A Bout Portant

Dans "A Bout Portant", de Don Siegel, qui ressort ces jours-ci en DVD, le triangle magique constitué par Lee Marvin, Angie Dickinson et John Cassavetes se fait carrément voler la vedette par un futur président des Etats-Unis. C'était le dernier rôle à l'écran de Ronald Reagan. Il ne voulait pas le faire, ce film, ça se voit.

Il faut dire que Don Siegel lui file ici le rôle bien ingrat d'un criminel en col blanc, parfait prototype du capitaliste véreux, comme le souligne, dans les bonus du film, l'universitaire Serge Chauvin. Mauvaise pioche pour un acteur qui se voulait l'égal de John Wayne. On a l'impression du coup qu'il est coincé dans son personnage. Il joue "à l'insu de son plein gré", pourrait-on dire, avec des traits figés et une mine à la Droopy qui accentuent définitivement le style hyper nerveux du film.

Car on est bien loin, dans ce remake du film "Les Tueurs", de la version de Robert Siodmak en 1946 dans laquelle le couple Burt Lancaster/Ava Gardner (remplacé par Cassavetes et Dickinson) imposait d'emblée, à partir d'une nouvelle d'Hemingway, les stéréotypes ténébreux mais aussi un peu éthérés du film noir américain. Tourné au moment de l'assassinat de Kennedy, "A Bout Portant" est beaucoup plus cru, beaucoup plus violent, beaucoup plus métaphysique également, à l'image de ce personnage de tueur (Lee Marvin) qui veut comprendre pourquoi sa dernière cible (Cassavetes) s'est laissée abattre sans opposer aucune résistance.

Entre le générique-photos monochrones qui reprend la sublime musique d'Henri Mancini dans "La Soif du Mal" et l'un des derniers plans du film où le flingue de Lee Marvin, filmé en grand angle, s'empare de tout l'écran, les auditeurs de TSF seront comblés par ce thriller saccadé qui pulse à chaque séquence, surtout au moment où le personnage joué par Reagan comprend que bien mal acquis ne profite jamais.

A Bout Portant, de Don Siegel (Dvd Carlotta Films) Coup de projecteur sur TSF le 4 décembre avec Serge Chauvin, maître de conférence en littérature et cinéma américain (6h30, 8h30, 13h et 17h)