Mercredi 6 février 2008 par Ralph Gambihler

There Will Be Blood

Il n'a même pas son Rosebud à lui. Contrairement à l'anti-héros d'Orson Welles, Daniel Plainview, au soir de sa vie, n'exprime aucun regret. Définitivement fâché avec le genre humain, vautré dans l'ivresse et le reniement, l'ancien prospecteur devenu magnat du pétrole se paye comme seul luxe de traiter de bâtard l'enfant qu'il a élevé puis abandonné. Il ne lui reste plus qu'à régler, lors d'une séquence hallucinante dans un club de bowling, le sort de son ennemi intime, un prédicateur charlatanesque qui lui avait mis des bâtons dans les roues du temps de sa splendeur, et le portrait est bouclé.

Le spectateur aura eu le droit, entre-temps, à ce que le cinéma américain peut nous offrir de plus gigantesque lorsqu'il conjugue ensemble l'épique, le biblique et l'art de la fresque. Car au-delà du portrait d'une crapule, There Will Be Blood est d'abord une histoire d' Amérique... L'histoire de ces communautés de l'Ouest dont le coeur s'accéléra soudainement à l'orée du 20ème siècle quand les premiers derricks surgirent du sol californien. Travaillées jusque là par diverses bondieuseries, ces communautés devaient fatalement se consumer, non sans résistance, dans une autre sorte de primitivisme, celui du dieu dollar.

Cette spirale infernale, Paul-Thomas Anderson la met en scène de façon magistrale en construisant une oeuvre extrêmement "physique". Il prend son temps et nous captive d'entrée de jeu, dans la première partie du film, en filmant "brutalement", dans tous les sens du terme, les premiers forages: le seau, la pelle, la pioche, la boue, et puis soudain l'or noir qui pulvérise le ciel...

L' autre élément pulvérisateur du film, c'est évidemment Daniel Day Lewis. Il n'a jamais cessé de nous scotcher, depuis L'Insoutenable Légèreté de l'Être et My Beautiful Laundrette, en passant par Gangs of New-York... Cet acteur fait partie du clan des seigneurs et c'est avec une vraie excitation qu'on se rendra la semaine prochaine à la conférence de presse qu'il doit tenir à Paris, quelques jours avant, espérons-le, la pluie d'oscars qui tombera sur There Will Be Blood.

There Will Be Blood, de Paul Thomas Anderson (Sortie en salles le 27 février)