La Chanson de Charles Quint
Dans "La Chanson de Charles Quint", Erik Orsenna emprunte plusieurs chemins de traverse pour évoquer la perte de l' être aimé. Il y est d'abord question de fraternité: il était une fois deux frères: l'un qui cultivait l'amour unique; l'autre, l'amour morcelé. Le frère à l'amour morcelé, c'est Orsenna.
Insatiable en tout, il ne s'accroche à rien, jusqu'au jour où il rencontre la femme de sa vie, qu'il appelle "le soleil", mais dont la puissance astrale s'éteint rapidement sous l'effet d'une maladie funeste. "La Chanson de Charles Quint" prend alors un tour plus tragique, mais Erik Orsenna le décline sur le mode mineur: sa pudeur et sa volonté de ne pas tout raconter se traduisent ici par un trait d'humour qui peut paraître saugrenu par rapport au drame qui nous est conté.
Le livre bifurque alors vers une nouvelle direction: Orsenna, comme il l'écrit lui-même, fait son "petit Mitterrand": à l'instar de l'ancien président, qui cherchait souvent dans quel royaume allaient les morts et dans quelle mesure on pouvait entrer en contact avec eux, l'auteur se lance dans un spiritisme effréné qui lui permet de dialoguer, post-mortem, avec sa compagne... On referme ce livre un peu gêné. La plume d' Orsenna tient du prodige quand elle examine nos âmes au scalpel.
Son passage sur l' amour et l' amitié, par exemple, est lumineux. Il reste que le mélange des genres et des récits, le ton en zig zag et la retenue du romancier face à ce qui lui est tellement personnel font naître une certaine frustration. La promesse d'un grand livre se résume alors à son esquisse.
"La Chanson de Charles Quint", d' Erik Orsenna (Editions Stock)